L’Annonciation de la
Vierge Marie.
Méditation III
1- Méditation sur nos mystères.
La semaine dernière, nous avons
commenté, en suivant l’enseignement de saint Thomas,
les premières paroles de la salutation angélique. Il
nous faut poursuivre et voir la suite du récit de la salutation
angélique : « L’Esprit-Saint descendra sur vous
et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre. C’est
pourquoi le fruit saint qui naîtra de vous sera appelé
Fils de Dieu ». (Lc 1 35).
Saint Thomas d’Aquin étudie
ces paroles de l’Ange en la Somme à la question 32 de
la III Pars. Il intitule cette question : « du principe actif
dans la conception du Christ ». Il y consacre trois articles.
Ce sont ces trois articles que nous allons aujourd’hui parcourir.
Article I : « Si d’être
le principe efficient de la conception du Christ doit être attribué
à l’Esprit-Saint ?
On pourrait en effet attribuer la conception
du Christ à la Trinité tout entière puisque saint
Augustin écrit : « Les œuvres de la Trinité
sont indivises, comme indivise est son essence ». Mais elle
pourrait être aussi attribuée au Père lui-même
puisqu’il est dit dans l’épître aux Galates
: « Lorsque est venue la plénitude des temps, Dieu a
envoyé son Fils fait de la femme » (Gal 4 4). Or la mission
du Fils est attribuée surtout au Père.De plus ; il est
dit dans l’Ecriture que « la Sagesse s’est construit
une maison » (Prov. 9 1). Or la Sagesse de Dieu est le Christ
lui-même. Il semble donc que la réalisation de la conception
du corps du Christ doive être attribuée surtout au Fils.
Ce n’est donc pas à l’Esprit-Saint qu’il
faut attribuer la conception du Christ.
Pourtant il est dit dans saint Luc au
chapitre 1 que « L’Esprit-Saint viendra sur vous…
».
Saint Thomas répond au corps de
l’article que « la conception du corps du Christ est l’œuvre
de la Trinité tout entière ». « Respondeo
dicendum quod conceptionem corporis Christi tota Trinita est operata
». Mais cependant « elle est attribuée spécialement
à l’Esprit-Saint », « Attribuitur tamen hoc
Spiritu Sancto ». Pour le justifier, Saint Thomas nous donne
trois belles raisons.
D’abord, parce que cela convient
à la cause de l’Incarnation qui se considère du
côté de Dieu. L’Esprit-Saint, en effet, est l’Amour
du Père et du Fils. Or c’est du plus grand amour de Dieu
qu’il est provenu que le Fils de Dieu prît à Lui
la chair dans le sein virginal ; c’est ce que nous lisons en
saint Jean : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il
envoya son Fils unique... » (Jn 3 16)
Ainsi parce que l’Incarnation est une œuvre d’amour
de Dieu et qu’en Dieu l’Esprit-Saint est le fruit de l’amour
échangé entre le Père et le Fils, il est juste
d’attribuer l’Incarnation, oeuvre d’amour, à
l’Esprit-Saint ». D’où les paroles de l’Ange
Gabriel à Notre Dame.
« Cela convient aussi à
la cause de l’Incarnation, du côté de la nature
prise », « ex parte naturae assumptae ». «
Par là, en effet, il est donné à entendre que
la nature humaine a été prise par le Fils de Dieu dans
l’unité de Personne, non en raison de certains mérites,
mais par pure grâce ; or la grâce est attribuée
à l’Esprit-Saint, selon cette paroles de l’Epître
aux Corinthiens : « Il y a diversité de grâces,
mais l’Esprit-Saint est le même » (Cor 12 4).
Parce que l’incarnation est l’œuvre
par excellence de la grâce, - aucune créature ne pouvant
bien évidemment devenir la cause physique principale ni méritoire
de l’Incarnation - c’est une œuvre par nature divine
- et parce que l’œuvre de la grâce est le fruit de
l’Esprit-Saint, il est juste d’attribuer l’Incarnation
à l’Esprit-Saint.
Troisièmement, cela convient au
terme de l’Incarnation. L’Incarnation, en effet, s’est
terminée à cela que cet homme qui était conçu
fut saint et Fils de Dieu. Ce sont les paroles même de l’Ange
à Notre Dame. Or l’une et l’autre de ces deux choses
sont attribuées à l’Esprit-Saint. C’est
par Lui, en effet, que les hommes sont enfants de Dieu ; selon cette
parole de l’Epître aux Galates : « Parce que vous
êtes fils de Dieu, Dieu a mis l’Esprit de son Fils dans
vos cœurs, qui crie : Abba, Père ». (Gal. 4 6).
Lui-même est aussi l’Esprit de sanctification, comme il
est dit aux Romains (Rm 14). De même donc que les autres, par
l’Esprit Saint, sont sanctifiés spirituellement pour
qu’ils soient enfants de Dieu adoptifs ; de même, le Christ,
par l’Esprit-Saint, a été conçu dans la
sainteté pour qu’Il fût le Fils de Dieu par nature.
Aussi bien, l’Ange lui-même, au jour de l’Annonciation,
avait dit : « L’Esprit-Saint viendra en vous » et
il conclut « à cause de cela, le fruit qui naîtra
de vous sera appelé le Fils de Dieu ».
Concluons que le mystère de l’Incarnation
est attribué pour de justes raisons au Saint Esprit.
Retenons : Parce que l’Incarnation
est un mystère d’amour, de grâce et de sainteté,
elle est l’œuvre du Saint-Esprit. Et voilà pourquoi
l’Ange dit bien : « L’Esprit-Saint viendra en vous
».
Mais il faut donc affirmer tout également
- et c’est dit dans le « ad primum » de cet article-
que « l’œuvre de la conception » du corps du
Christ « est commune à la Trinité tout entière
; cependant, selon un certain mode, on l’attribue à chacune
des Personnes en particulier. Au Père, en effet, est attribuée
l’autorité par rapport à la Personne du Fils qui
s’unit la chair par cette conception ; au Fils est attribuée
l’assomption de la chair ; et à l’Esprit-Saint,
la formation du corps qui est pris par le Fils. C’est qu’en
effet, l’Esprit-Saint est l’Esprit du Fils ; selon cette
parole de l’Epître aux Galates : « Dieu a envoyé
l’Esprit de son Fils » (Gal. 4 6) Or, de même que
la vertu de l’âme qui est dans la semence, par l’esprit
qui est renfermé dans cette semence, forme le corps dans la
génération des autres hommes ; de même, la Vertu
de Dieu, qui est le Fils de Dieu, selon cette parole de la première
Epître aux Corinthiens , « le Christ, la Vertu de Dieu
», (Cor 1 24), par l’Esprit-Saint a formé le corps
que le Fils de Dieu s’est uni. Et c’est ce que montrent
les paroles mêmes de l’Ange, quand il dit : « L’Esprit-Saint
viendra sur vous », comme pour préparer et former la
matière du corps du Christ, et « la Vertu du Très-Haut
», c’est-à-dire, le Christ, « vous couvrira
de son ombre », c’est-à-dire que « la lumière
incorruptible de la divinité prendra en vous le corps de l’humanité
», et, en effet l’ombre est formée du corps et
de la lumière », comme le dit saint Grégoire au
livre 18 de ses « Morales ». Quant au « Très-Haut
», dans ce texte, il le faut entendre du Père, dont le
Fils est la Vertu ».
On aura remarqué, dans ce «
ad primum » la belle interprétation de la parole de l’Ange
au jour de l’annonciation.
Article 2 : « Si le Christ doit
être dit conçu du Saint-Esprit » ?
Mais cette interrogation n’est
même pas possible… puisqu’il est dit, en saint Matthieu
: « Or la naissance du Christ arriva ainsi. Marie, sa mère,
étant fiancée à Joseph, il se trouva, avant qu’ils
eussent habité ensemble, qu’elle avait conçu par
la vertu du Saint-Esprit » (Mt ; 1 18)
Aussi bien l’Eglise dit-elle tous
les jours, dans son Symbole : « Qui a été conçu
du Saint-Esprit : « Qui conceptus est de Spiritu Sancto ».
L’usage de la formule n’est donc pas douteux. Il ne reste
que d’en montrer la légitimité. C’est ce
que fait Saint Thomas au corps de l’article.
Au corps de l’article, en effet,
le saint Docteur nous avertit que « la conception n’est
pas attribuée au seul corps du Christ, mais aussi au Christ
Lui-même en raison du corps. D’autre part, dans l’Esprit-Saint
se considère un double rapport eu égard au Christ. Car,
au Fils de Dieu Lui-même, qui est dit conçu, l’Esprit-Saint
a le rapport de consubstantialité ; tandis qu’Il a, au
corps du Christ, le rapport de cause efficiente. Et précisément,
cette préposition « de » désigne l’un
et l’autre rapport ; comme quand nous disons que tel homme est
« de » son père. Il suit de là que nous
pouvons dire, à propos, que le Christ a été conçu
de l’Esprit-Saint, en telle sorte que l’efficacité
du Saint-Esprit se rapporte au corps pris par le Christ ; et la consubstantialité
à la Personne » du Christ « qui a pris ce corps
».
C’est merveilleux de précision.
Article 3 : « Si le Saint Esprit
doit être dit père du Christ selon l’humanité
? »
Saint Thomas va répondre «
non » en s’appuyant sur saint Augustin qui, dans l’
« Enchiridion », au chapitre 40, écrit : «
Le Christ est né de l’Esprit-Saint, non comme fils, et
Il est né de la Vierge Marie comme fils ». C’est
l’argument du « sed contra ».
Voici la réponse de saint Thomas.
On verra comme l’argumentation est précise et éblouissante
de lumière.
« Saint Thomas explique que « les noms de « paternité
», de « maternité » et de « filiation
» se disent en conséquence de la génération,
non pas d’une génération quelconque, mais de la
génération de vivants et surtout des animaux. Nous ne
disons pas, en effet, que le feu produit ou engendré soit le
fils du feu qui l’engendre ou qui le produit, si ce n’est
peut-être par métaphore et à la manière
des poètes ; mais nous le disons seulement parmi les animaux
ou les êtres doués de vie sensitive dont la génération
ou le mode de production est chose plus parfaite. Toutefois, ce n’est
pas tout ce qui est engendré ou produit, même parmi les
animaux qui prend le nom de filiation ; mais seulement ce qui est
engendré dans la ressemblance du sujet qui engendre. Aussi
bien, comme le note saint Augustin, nous ne disons pas que le cheveu
qui naît de l’homme soit le fils de l’homme ; ni,
non plus, que l’homme qui naît soit le fils de la semence
: parce que ni le cheveu n’a la ressemblance de l’homme,
ni l’homme qui naît n’a la ressemblance de la semence,
mais de l’homme qui engendre. Et si la ressemblance est parfaite,
la filiation aussi sera parfaite, soit parmi les hommes, soit en Dieu.
Si, au contraire, la ressemblance est imparfaite, la filiation sera
également imparfaite. C’est ainsi que dans l’homme
se trouve une certaine ressemblance imparfaite de Dieu, et en tant
qu’il est créé à l’image de Dieu
et en tant qu’il est selon la ressemblance de la grâce.
Et c’est pourquoi de l’une et de l’autre manière,
l’homme peut être dit enfant de Dieu : et parce qu’il
est créé à son image ; et parce qu’il lui
est rendu semblable par la grâce.
D’autre part, il faut considérer que ce qui est dit d’un
sujet selon la raison parfaite ne doit pas être dit de lui selon
une raison imparfaite. C’est ainsi que Socrate étant
dit homme naturellement selon la raison propre de l’homme ou
parce qu’il porte en lui la nature humaine, ne sera jamais dit
homme selon cette signification qui fait qu’on dit homme le
portrait d’un homme quelconque, quand bien même peut-être
Socrate ressemble en effet à un autre homme et soit en quelque
sorte son portrait. Or, le Christ est Fils de Dieu, selon la raison
parfaite de filiation. Il s’ensuit que même en étant,
selon la nature humaine, créé et justifié, Il
ne doit cependant pas être dit fils de Dieu, ni en raison de
la création, ni en raison de la justification, mais seulement
en raison de la génération éternelle, selon laquelle
Il est le Fils du Père seul. Par conséquent, le Christ
ne doit, en aucune manière, être dit fils de l’Esprit-Saint,
ni de la Trinité, quand bien même l’Esprit-Saint
ou la Trinité tout entière soient le principe actif
de sa nature humaine ou de la grâce qui affecte cette nature
»
Ainsi, selon les principes exposés
plus haut, il faut dire que « puisque le Christ a été
conçu de la Vierge Marie, qui a fourni la matière de
son corps, dans la ressemblance de l’espèce ou de la
nature humaine, il faut dire, à juste titre, qu’il est
son fils. Le Christ, au contraire, en tant qu’homme, s’Il
est conçu de l’Esprit-Saint comme du principe actif,
n’est cependant pas conçu selon la similitude de l’espèce
ou de la nature, comme l’homme naît de son père.
Et c’est pourquoi Il n’est point dit fils de l’Esprit-Saint
».
2- Le « Lauda Sion Salvatorem », poème de saint
Thomas d’Aquin.
Quelques réflexions.
Voici quelques réflexions sur le poème composé
par Saint Thomas d’Aquin en l’honneur du Saint Sacrement.
« Lauda Sion Salvatorem.
Lauda Dulcem et Pastorem,
In hymnis et canticis. »
« Sion, Peuple de Dieu, acclame
Ton Sauveur, Chante Ton Chef et Ton Pasteur, en des hymnes et de cantiques
».
La louange et l’acclamation joyeuse
sont les premiers sentiments que Saint Thomas manifeste devant la
Sainte Hostie. Oh Peuple de Dieu, manifeste ainsi ta révérence
au Saint Sacrement…parce qu’il contient « Ton sauveur
», « Ton Chef » et « Ton Pasteur ».
Oui ! Avec Saint Thomas, l’Eglise
demande que nous « révérions » - «
lauda Sion » - le Christ-Seigneur, dans la Sainte Eucharistie.
Qu’il en soit ainsi. Car Celui
qui se « cache », en effet, dans l’Eucharistie,
c’est Celui qui est avec le Père et le Saint-Esprit,
l’être infini, le Tout-Puissant, le principe de toutes
choses. Il se cache pour que nous puissions l’adorer plus facilement…
« Lauda Sion…in hymnis et
canticis ». Chante Ton Seigneur, avec force et passion.
Saint Thomas insiste dans la seconde
strophe : « Quantum potes, tantum aude ». Ne crains pas
d’épuiser tes forces…dans cette acclamation. Il
surpasse toutes louanges : « Quia major omni laude. Nec laudare
sufficis ».
Voilà la disposition que nous
devons avoir devant la Sainte Eucharistie
Et cela, non seulement parce qu’Il
est notre Dieu, mais parce que, là, est notre Sauveur. «
Lauda Sion Salvatorem »
Et de fait, cet admirable sacrement est
le mémorial par excellence de la Passion de Jésus.
Or, là, dans cette Passion, il fut pour nous humilié,
anéanti…Il a connu tous les abaissements possibles…
Alors parce que le Christ, Notre Sauveur, parce qu’Il est Notre
Sauveur, parce qu’Il s’est anéanti, le Père,
nous le savons, Saint Paul nous l’a enseigné, le Père
l’a exalté, il lui a donné un nom au dessus de
tout nom afin que tout genou fléchisse devant Lui et que toute
langue proclame que le Christ, le Fils de Dieu, règne à
jamais dans la gloire de son Père.
Et Saint Thomas nous demande d’entrer
dans la pensée du Père éternel. Plus le Christ
s’est abaissé, comme Sauveur, plus nous devons, comme
le Père, l’exalter dans ce sacrement qui nous rappelle
la Passion.
« Lauda Sion Salvatorem in hymnis
et canticis » « Autant que tu le peux, Rien ne sera de
trop ». « nec laudare sufficis ». Ce sera toujours
trop peu.
On sait que Saint Bernard exprimait le
même sentiment en l’endroit de Notre Dame. Il disait de
Marie et de notre louange : qu’on n’en fera jamais assez.
« Nunquam satis », disait-il. Saint Thomas exprime même
sentiment devant la sainte Eucharistie « Nec laudare sufficis
». Ce sera toujours trop peu. Voilà le seul véritable
amour devant les mystères de notre foi !
Et puis n’est-ce pas pour nous
qu’Il s’est livré librement ? C’est ainsi
qu’Il est notre Sauveur… ». Nous chanterons bientôt
dans notre Credo : « Propter nostram salutem ».
S’il a souffert, c’est pour
moi.
Si son âme a été plongée dans la tristesse.
C’est pour moi. S’Il a connu la tristesse, la peur, l’ennui,
c’est pour moi. S’Il a supporté tant d’injures
de la part de la grossière soldatesque, c’est pour moi.
S’Il a été flagellé…couronné
d’épines, c’est pour moi, pour nous attirer à
Lui. « Dilexit me et tradidit semetipsum pro me ».
N’oublions jamais que chacun des
épisodes douloureux du Sauveur a été accepté
par amour et librement pour notre salut.
O Jésus, réellement présent sur l’autel,
je me prosterne à vos pieds ! Que toute adoration vous soit
rendue dans le sacrement que vous avez voulu nous laisser la veille
de votre Passion comme témoignage de l’excès de
votre amour.
« Lauda Sion Salvatorem...in hymnis et canticis ».
« Lauda ducem et pastorem ».
Oui il est là présent « vraiment, réellement,
substantiellement présent », mon Roi, mon Pasteur, mon
Bon Pasteur.
Il est le Bon Pasteur, « le premier de cordée : «
Je suis la Voie, la Vérité et la Vie » …
« Qui me suit ne marche pas dans les ténèbres…personne
ne va au Père si ce n’est par moi…Celui qui demeure
en moi et moi en lui, celui-là seul peut porter des fruits
car sans moi vous ne pouvez rien faire…Je ne rejette pas celui
qui vient à moi…Venez à moi, vous tous qui êtes
accablés et je vous soulagerai…Vos âmes ne trouveront
le repos qu’en moi »… Paroles du Bon Pasteur.
Il est là, le même Christ qui disait de telles paroles,
qui guérissait le lépreux, calmait les flots déchaînés
et promettait une place au bon larron, dans son Royaume.
Nous trouvons, là, dans l’Eucharistie notre ami, notre
« frère aîné », dans la plénitude
de sa toute puissance divine…et l’ineffable miséricorde
de son amour.
« Lauda Sion salvatorem, Lauda
ducem et pastorem in hymnis et canticis ».
Voilà exprimée la seule
attitude digne de notre foi : attitude de respect, de révérence,
d’adoration.
Voilà exprimée aussi la raison de cette adoration. Voilà
les motifs de notre adoration : Il est là celui qui est Notre
Sauveur, notre Roi, notre Bon pasteur.
« Louons le tous à pleine
voix »
« Sit lauda plena, sit sonora »
Sit jucunda, sit decora ».
« Qu’il soit ardent »
Qu’il soit ardent
Qu’il soit splendide, le chant de nos cœurs en liesse »
« Mentis enim solemnis agitur »
Et pourquoi encore cette louange, cette
vénération ?
Certes parce que nous avons devant nous,
le Sauveur, le Roi, le Bon Pasteur
Mais aussi et surtout parce que ce respect,
cette adoration est un hommage de foi.
Oh ! Bel hommage de notre foi. Et combien fructueux pour nous.
Souvenons nous de la confession de saint
Pierre à Césarée. « Tu es le Christ, le
Fils de Dieu. Et cette confession fut la gloire de saint Pierre. «
Tu es Pierre et sur cette pierre », le Christ a fondé
son Eglise. Et il fut déclaré par le Seigneur lui-même
: «Bienheureux ». « Bienheureux es-tu Pierre…
». Ainsi a-t-il été exalté dans son acte
de foi.
De même nous devant la Sainte Eucharistie,
nous confessons la divine présence. Je ne vois, certes, qu’un
fragment de pain, qu’un peu de vin…mais je crois sur la
parole de Notre Seigneur. Vous qui êtes le Verbe de Dieu, la
Sagesse éternelle et la Vérité infinie, vous
avez dit : « Ceci est mon Corps », « Ceci est mon
Sang ». Et parce que vous l’avez dit, je vous crois présent
sous ces humbles et infimes apparences. Nos sens ne nous disent rien.
C’est la foi qui nous fait pénétrer jusqu’à
la réalité divine cachée sous les voiles eucharistiques.
Ah quelles sont belles ces strophes de
Saint Thomas : « C’est un dogme pour les Chrétiens
», « Dogma datur Christianis ». «
« Le Pain devient vraiment sa chair et le vin vraiment son sang
»
« Quod in carnem transit panis et vinum in sanguinem »
Quod non capis quod non vides » « Tu ne comprends ni le
vois »
« Animosa firmat fides »
« Mais la foi vive, elle, l’affirme en dépassant
la nature »
« Praeter rerum ordinem ».
« Sous la double apparence
Vit la réalité sainte »
« Latent res eximiae »
« Sache que le Christ est présent
Tout entier sous chaque espèce, « Du Christ présent,
rien n’est réduit »
« Qua nec status nec statura
« Ni l’être ni la grandeur.
Voilà notre foi en l’Eucharistie.
Et c’est ainsi que l’Eucharistie
- et son mystère - nourrit ma foi, l’entretient, la fait
vivre, l’actualise.
Et lorsque l’on sait le bien que
nous donne la foi … En un mot, disons qu’elle nous donne
la filiation divine, la vie éternelle…on ne peut que
chanter : « Bienheureuse Eucharistie qui nous donne ces trésors.
En elle, avec elle, par elle j’ai la vie éternelle.
Mais attention ! « Bons et méchants,
tous la reçoivent
Mais pour un sort bien différent
« Mort aux méchants». « Mors est malis »
mais vie, vie éternelle aux bons
« Vita bonis ».
« Celui qui mange mon corps et boit mon sang a la vie éternelle
». Amen.
3- Les audiences du mercredi à Rome
par Benoît XVI
On sait que Benoît XVI a annoncé
qu’il allait poursuivre les audiences du mercredi que son prédécesseur
Jean Paul II avait inaugurées. Il a même annoncé
qu’il allait continuer les commentaires des psaumes. C’est
ce qu’il fit mercredi 25 mai.
Nous ouvrons ainsi sur la « paroisse
saint Michel » une nouvelle rubrique : les méditations
de Benoît XVI sur les psaumes.
Lecture du Ps 115.
1-2« Je l’aime, car Yahweh
entend ma voix, mes supplications. Car Il a incliné vers moi
son oreille, et toute ma vie, je l’invoquerai.
3-4 « Les liens de la mort m’entouraient et les angoisses
du shéol m’avaient saisi ; j’étais en proie
à la détresse et à l’affliction. Et j’ai
invoqué le nom de Yahweh : « Yahweh sauve mon âme
»
5-7 « Yahweh est miséricordieux et juste, notre Dieu
est compatissant. Yahweh garde les faibles ; j’étais
malheureux, et il m’a sauvé. Mon âme, retrouve
ton repos ; car Yahweh te comble de biens.
8-9 « Oui, tu as sauvé mon âme de la mort, mon
œil des larmes, mes pieds de la chute. Je marcherai encore devant
Yahweh, dans la terre des vivants.
10-11 « J’ai confiance, alors même que je dis :
« Je suis malheureux à l’excès ».
Je disais dans mon abattement : « tout homme est menteur ».
12-13 « Que rendrai-je à Yahweh pour tous ses bienfaits
à mon égard ! J‘élèverai la coupe
de salut, et j’invoquerai le nom de Yahweh. J’accomplirai
mes vœux envers Yahweh, en présence de tout son peuple.
14-15 « Elle a du prix aux yeux de Yahweh, la mort de ses fidèles.
Ah ! Yahweh, parce que je suis ton serviteur, ton serviteur, fils
de ta servante, tu as détaché mes liens.
17-18-19 « Je t’offrirai un sacrifice d’action de
grâce, et j’invoquerai le nom de Yahweh. J’accomplirai
mes vœux envers Yahweh, en présence de tout son peuple,
dans les parvis de la maison de Yahweh, dans ton enceinte, Jérusalem.
Alléluia ».
Voici son commentaire sur le psaume 115.
Résumé du pape lui-même
« Dans cette prière affleure le souvenir d’un passé
chargé d’angoisse chez celui qui a gardé la foi,
malgré l’amertume de la désespérance et
du malheur, puis la prière se transforme en action de grâce.
Parce que le Seigneur l’a tiré de l’abîme
du mensonge, l’orant se prépare donc à offrir
un sacrifice d’action de grâce, au cours duquel il boira
la coupe de libation, signe de reconnaissance pour sa libération.
Il le fera devant tout le peuple, pour que son témoignage soit
pour tous une invitation à croire et à aimer le Seigneur.
C’est une image du peuple de Dieu tout entier, qui rend grâce
au Seigneur de la vie, lui qui n’abandonne pas le juste à
la souffrance et à la mort, mais le guide vers l’espérance
et vers la vie ».
Analyse du sens littéral du psaume
2. Le Psaume 115, dans l'original en
hébreu, constitue une unique composition avec le Psaume précédent,
le 114. Tous les deux constituent un remerciement unitaire, adressé
au Seigneur qui délivre du cauchemar de la mort, des contextes
de haine et de mensonge.
Dans notre texte apparaît le souvenir
d'un passé angoissant: l'orant a gardé haute la flamme
de la foi, même lorsque sur ses lèvres affleurait l'amertume
du désespoir et du malheur (cf. Ps 115, 10). En effet, tout
autour s'élevait comme un mur glacial de haine et de tromperie,
car son prochain se révélait faux et infidèle
(cf. v. 11). Cependant, la supplication se transforme à présent
en gratitude car le Seigneur est resté fidèle dans ce
contexte d'infidélité et a libéré son
fidèle du gouffre obscur du mensonge (cf. v. 12). Et ainsi,
ce Psaume est toujours pour nous un texte d'espérance, car
même dans les situations difficiles, le Seigneur ne nous abandonne
pas, c'est pourquoi nous devons garder haute la flamme de la foi.
L'orant se dispose donc à offrir
un sacrifice d'action de grâce, au cours duquel on boira à
la coupe rituelle, la coupe de la libation sacrée qui est signe
de reconnaissance pour la libération (cf. v. 13). La Liturgie
est donc le lieu privilégié où élever
la louange reconnaissante au Dieu Sauveur.
3. En effet, on mentionne de façon
explicite non seulement le rite du sacrifice, mais également
l'assemblée de « tout le peuple », devant lequel
l'orant accomplit son vœu et témoigne de sa foi (cf. v.
14). Ce sera dans cette circonstance qu'il rendra son remerciement
public, sachant bien que même lorsque la mort menace, le Seigneur
est penché sur lui avec amour. Dieu n'est pas indifférent
au drame de sa créature, mais brise ses chaînes (cf.v.16).
L'orant sauvé de la mort se sent
« serviteur » du Seigneur, « fils de sa servante
» (ibid.), une belle expression orientale pour indiquer celui
qui est né dans la même maison que le père. Le
Psalmiste professe humblement et avec joie son appartenance à
la maison de Dieu, à la famille des créatures unies
à lui dans l'amour et dans la fidélité.
4. Le Psaume, toujours à travers
les paroles de l'orant, se termine en évoquant à nouveau
le rite d'action de grâce qui sera célébré
dans le cadre du temple (cf. vv. 17-19). Sa prière se placera
ainsi à un niveau communautaire. Son histoire personnelle est
racontée afin qu'elle constitue pour tous une incitation à
croire et à aimer le Seigneur. En toile de fond, nous pouvons
donc apercevoir le Peuple de Dieu tout entier alors qu'il rend grâce
au Seigneur de la vie, qui n'abandonne pas le juste dans l'abîme
obscur de la douleur et de la mort, mais le guide vers l'espérance
et la vie.
Il montre aussi comment ce psaume a été
utilisé par l’Eglise. Il le disait en tout début
de commentaire
1-Le Psaume 115 avec lequel nous venons
de prier a toujours été utilisé dans la tradition
chrétienne, à partir de saint Paul qui, citant son début
dans la traduction grecque des Septante, écrit ainsi aux chrétiens
de Corinthe : « Mais, possédant ce même esprit
de foi, selon ce qui est écrit : J'ai cru, c'est pourquoi j'ai
parlé, nous aussi nous croyons, et c'est pourquoi nous parlons».(2Co4,13).
L'Apôtre se sent en accord spirituel
avec le Psalmiste dans la confiance sereine et dans le témoignage
sincère, malgré les souffrances et les faiblesses humaines.
Ecrivant aux Romains, Paul reprendra le v. 2 du Psaume et décrira
le contraste entre le Dieu fidèle et l'homme incohérent:
« Dieu est véridique et tout homme menteur » (Rm
3, 4).
La tradition chrétienne a lu,
prié et interprété le texte dans différents
contextes et toute la richesse et la profondeur de la Parole de Dieu,
qui ouvre de nouvelles dimensions et de nouvelles situations, apparaît
ainsi. Au début, il a surtout été lu comme un
texte du martyre, mais ensuite, dans la paix de l'Eglise, il est devenu
de plus en plus un texte eucharistique, à cause de l'expression
« la coupe du salut ». En réalité, le Christ
est le premier martyr. Il a donné sa vie dans un contexte de
haine et de fausseté, mais il a transformé cette passion
– et ainsi ce contexte également – dans l'Eucharistie,
en une fête d'action de grâce. L'Eucharistie est remerciement:
« Je lèverai la coupe du salut ».
En conclusion, il donne le beau commentaire
de saint Basile le Grand
5. Nous concluons notre réflexion
en nous confiant aux paroles de saint Basile le Grand qui, dans l'Homélie
sur le Psaume 115, commente ainsi la question et la réponse
présentes dans le Psaume: « Comment rendrai-je à
Yahvé tout le bien qu'il m'a fait? J'élèverai
la coupe du salut ». Le Psalmiste a compris les très
nombreux dons reçus de Dieu: du “non être”,
il a été conduit à l'“être”,
il a été façonné à partir de la
terre et doté de raison... il a ensuite découvert l'économie
du salut en faveur du genre humain, reconnaissant que le Seigneur
s'est donné lui-même en rédemption à notre
place à tous; et il reste indécis, en cherchant parmi
toutes les choses qui lui appartiennent, se demandant quel don il
pourra jamais trouver qui soit digne du Seigneur. Comment rendrai-je
à Yahvé? Ni sacrifices, ni holocaustes... mais ma vie
tout entière. C'est pourquoi il dit: J'élèverai
la coupe du salut, appelant coupe la souffrance au cours du combat
spirituel, la résistance au péché jusqu'à
la mort. C'est du reste ce que notre Sauveur enseigna dans l’Evangile
: Père, si cela est possible, éloigne de moi cette coupe;
et il dit ensuite aux disciples : pouvez-vous boire la coupe que je
boirai ? signifiant clairement la mort qu'il accueillait pour le salut
du monde » (PG XXX, 109), transformant ainsi le monde de péché
en un monde racheté, en un monde d'action de grâce pour
la vie qui nous a été donnée par le Seigneur.