Paroisse catholique Saint Michel

Dirigée par

 Monsieur l'abbé Paul Aulagnier

 

06 80 71 71 01

 

Semaine du 2 au 8 mai 2004

Troisième dimanche après Pâques

 

Sommaire

 

 

Homélie de la joie chrétienne.


De la joie chrétienne ! Tel sera l’objet de notre méditation dominicale. L’Evangile nous y invite : « Je vous reverrai et votre cœur se réjouira et nul ne vous ravira votre joie » (Jn 16 22). En latin, ça sonne mieux encore : « Iterum autem videbo vos et gaudebit cor vestrum et gaudium vestrum nemo tollet a vobis ».

L’introït aussi exprime même idée et avec quel accent : « Jubilate Deo omnis terra. Psalmum dicite nomine eius ! Alleluia ! Date gloriam laudi eius Alleluia ! Alleluia ! Alleluia !

Ainsi que l’Alluia de la messe : « Alleluia ! Alleluia - ce qui est un chant de joie - Redemptionem misit Dominus populo »

Ces quelques textes de ce dimanche, on pourrait les multiplier, nous permettent de comprendre que la joie chrétienne a sa source en Dieu. , en NJSC : « Je vous reverrai et votre cœur sera dans la joie ». « Gaudebit ».
C’est une première affirmation. Une première découverte. La joie est lié à la vue du Seigneur. La joie a pour principe, pour raison Notre Seigneur Jésus-Christ, notre Dieu.

Il faut préciser : la foi en Notre Seigneur est source de joie. On peut dire d’une façon plus générale : la connaissance de Dieu, de son nom ; de sa puissance, de ses merveilles engendre la joie en l’âme. « Je vous reverrai et votre cœur sera dans la joie.

C’est clairement affirmé dans l’ « Alléluia ». « Alléluia ! Alléluia. Redemptionem misit Dominus populo suo ». Ce qui veut dire « Soyez dans l’allégresse. Chantez de joie parce que le Seigneur a envoyé sa rédemption à son peuple, a racheté son peuple, a sauvé son peuple de la damnation éternelle.
Dans la phrase de l’Alléluia, il n’y a pas le « parce que », le « quia ». Il est sous-entendu. L’Ecriture réunit l’ « Alléluia », c’est-à-dire la joie au mystère de la Rédemption. C’est dire équivalemment qu’il y a un lien entre la joie exprimée dans l’âme et la connaissance et la contemplation de la rédemption réalisée par amour par Dieu de nos âmes.

Alléluia ! Alléluia ! Vous le voyez, il y a redondance. Ce qui veut dire qu’il y a surabondance de joie par la contemplation du mystère de la Rédemption.

D’une façon plus générale, on peut dire que tous les « mirabilia Dei », tous les mystères de Dieu, la Nativité, l’Incarnation, la Passion du Christ, sa Rédemption, sa Glorification après son humiliation de la Croix, son exaltation à la droite du Père…Oui tout cela tous les « mirabilia Dei » sont raison de la joie chrétienne.

L’âme chrétienne, contemplative qui s’arrête stupéfaite devant le mystère divin, chante, acclame, bénit et rend grâces à son Seigneur et Maître.

Mais Oui ! Qui contemple l’amour de Dieu dans sa création…Qui contemple les oiseaux, les couleurs des arbres, des fruits, des collines, des montagnes…est dans la joie, connaît la joie. Rien de plus beau que la lumière. Rien de plus beau que le soleil et la lune et les étoiles du ciel. Les regarder, les contempler, les voir met l’âme dans la joie et arrache de notre cœur un chant joyeux de louange.

Voyez la prédication glorieuse et joyeuse de Saint François d’Assise aux oiseaux du Ciel. C’est un vrai chant d’allégresse.

« Bien des liens nous attachent à Dieu, mes petits frères les oiseaux ; et toujours et partout vous avez le devoir de le louer à cause de cette liberté de voler en tous lieux qui vous appartient, et à cause de votre robe double et triple, et à cause de votre plumage merveilleusement peint et orné,

« et à cause de votre nourriture qui vous est fournie sans travail, et à cause du chant qui vous a été enseigné par le Créateur, et à cause de votre nombre multiplié par la bénédiction divine, et à cause de votre semence que Dieu a jadis conservée dans l’arche, et à cause de la manière dont vous a été livré l’élément de l’air.

« Car vous ne semez ni ne moissonnez et Dieu vous nourrit, et il vous a donné des rivières et des sources pour y boire et des montagnes et des collines et des rochers pour y trouver refuge et des arbres élevés pour y construire vos nids et bien que vous ne sachiez ni filer ni coudre, c’est Dieu qui vous fournit, aussi bien qu’à vos enfants le vêtement nécessaire.

« D’où vous pouvez voir que votre Créateur vous aime beaucoup, qui vous a accordé tant de bienfaits. Et c’est pourquoi prenez garde, mes frères les petits oiseaux, de ne pas vous montrer ingrats, mais appliquez-vous toujours à louer Dieu ».

« Et en entendant ces paroles du très saint père, tous ces oiseaux commencèrent à ouvrir leurs becs, à étendre leurs ailes ainsi que leurs cols, et à baisser dévotement leurs têtes jusqu’à terre, et à prouver, par leurs chants et leurs mouvements, que les paroles que leur avaient dites saint François leur plaisaient infiniment.

« Et saint François, de son coté, en voyant ce prodige, exultait merveilleusement en esprit et admirait une telle multitude d’oiseaux, avec la variété charmante de leurs aspects, comme aussi leur affection et leur familiarité pleine de concorde ;

« et, en conséquence de cela, il louait en eux l’admirable Créateur et doucement les invitait eux-mêmes à le louer avec lui ». (Fioretti. Ch. XVI)

Oui, la contemplation de la création de Dieu met l’âme dans la joie. Rien de plus beau que le chant d’un oiseau, le soir, le soleil se couchant.
La contemplation de l’amour de Dieu engendre la joie, la louange joyeuse. C’est dire que l’amour de Dieu connu, apprécié, soupesé, dans la foi, grâce à la foi, met le cœur en joie.

Regardez. Ecoutez. Souvenez-vous des paroles de l’ange, le jour de la Nativité, qui est l’ « épiphanie de la charité de Dieu ». Souvenez-vous des paroles de l’ange : « Je vous annonce une grande joie, magnum gaudium, destinée à tout le peule, car il vous est né aujourd’hui un Sauveur » (Lc 2 10-11) « Ecce enim evangelizo vobis gaudium magnum… QUIA natus est vois hodie Salvator qui est Christus Dominus in civitate David ».
Le QUIA , « parce qu’il vous est né… » est a souligner. Il permet de dire que, pour l’enseignement révélé, le fondement de la joie, c’est le Christ. C’est sa manifestation, sous quelque forme que ce soit. Le fondement de la joie, c’est le salut qu’il apporte. Le fondement de la joie, c’est le pardon des péchés qu’il donne. C’est le don qu’il fait surtout de lui-même et de son amour. « Je vous ai dit cela (l’amour de mon Père) afin que ma joie soit en vous et que votre joie ( de vous savoir aimé) soit parfaite » (Jn 15 11)

Le mystère de notre Seigneur Jésus-Christ, notre élection divine par notre baptême, notre nom inscrit dans le livre de vie…tout cela est source, fondement, raison de notre joie stable.

« Réjouissez-vous et tressaillez d’allégresse PARCE QUE votre récompense est grande dans le ciel ». « Réjouissez-vous de ce que vos noms soient inscrits dans le ciel » (Lc 10 20)

Ces phrases révélées nous permettent de dire aussi que l’espérance chrétienne est fondement de la joie. Saint Paul a cette merveilleuse phrase : « Que l’espérance vous tienne en joie » (Rm 12 12). En latin, vous goûterez la « nervosité » de la phrase : « Spe gaudentes ». La joie est associée à l’espérance.

Saint Pierre a une phrase fameuse dans sa première Epître : « Jésus-Christ, sans l’avoir vu, vous l’aimez sans voir encore mais croyant, vous tressaillez d’une joie ineffable et toute glorifiée, obtenant ce à quoi vise votre foi, le salut de vos âmes »
Ici, c’est l’affirmation que la vie théologale est source de joie. La foi, l’espérance et la charité, ces trois vertus théologales qui ont toutes trois Dieu pour objet, sont, dans cette phrase, rassemblées pour fomenter la joie qui n’est pas une conséquence secondaire plus ou moins occasionnelle de joie. La joie sourd de la charité et anticipe sur le bonheur du ciel grâce à l’intelligence de la foi qui a la connaissance de l’objet divin

On comprend alors que les Apôtres furent soucieux, dans leur apostolat de la joie de leurs fidèles. Saint Paul, encore lui, ne cesse de répéter aux chrétiens : « Soyez joyeux ». « Réjouissez-vous en tout temps » « Réjouissez-vous sans cesse dans le Seigneur. Je le dis encore : Réjouissez-vous »

Je vous le répète - mais l’enseignement n’est-il pas une répétition - la connaissance, la médiation, la contemplation des bienfaits de Dieu, de son Eglise, de cette église, de ce sacrifice de la messe fait éclater, doit faire éclater en nous la reconnaissance, l’action de grâce, la bénédiction, les louanges joyeuses.

Voilà une vérité certaine.

Mais pour les âmes plus parfaites encore, c’est un don de Dieu, j’aurais volontiers un langage plus mystique. O ! Pas moi, mais Saint François, dans ses fioretti. Je lis cette belle histoire que je ne peux passer sous silence alors que je traite de la joie et de sa source, de sa raison. Saint François va vous dire : si tu veux connaître la joie parfaite, la seule connaissance des mystères de NSJC ne suffit pas, il faut ajouter aussi l’imitation de Jésus-Christ dans son humilité et dans sa sainte obéissance.

Voici son beau texte

« Un certain jour d’hiver, saint François se rendait de Pérouse à Sainte Marie des Anges ; et le frère Léon allait avec lui et le froid les affligeait très cruellement.
Or, saint François appela le frère Léon, qui marchait un peu en avant de lui, et lui dit : « O mon frère Léon, si même les frères donnaient un exemple de sainteté et d’honnêteté, et de bonne édification, cependant inscris ceci sur les tablettes, c’est-à-dire note-le avec grand soin : ce n’est pas en cela que consiste la joie parfaite ! »

Et puis, après avoir fait quelques pas, il le rappela de nouveau, et lui dit : « O mon frère Léon quand bien même un frère mineur rendrait la vue aux aveugles, remettrait sur pied les paralysés, chasserait les démons, rendrait l’ouïe aux sourds, la marche aux boiteux, et la parole aux muets, ressusciterait un homme mort depuis quatre jours, mets-toi bien par écrit que ce n’est pas en cela que consiste la joie parfaite ! »

Puis l’ayant appelé de nouveau, il lui dit : « O mon frère Léon, quand bien même un frère mineur connaîtrait la langue de toutes les nations et toutes les sciences et écritures, quand bien même, il saurait prophétiser et révéler non seulement les choses futures mais encore les secret des consciences et des âmes, inscris-toi bien que ce n’est pas là que se trouve la joie parfaite ! »

Puis après qu’ils eurent encore marché un peu, il le rappela une fois de plus : « O mon frère Léon, petite bête du bon Dieu, quand bien même le frère mineur parlerait la langues des anges et connaîtrait le cours des astres et les vertus des herbes, et posséderait la révélation des trésors enfouis en terre,
« et si même il comprenait les vertus et propriétés des oiseaux et poissons, des animaux, des hommes, des racines, des arbres, des pierres et des eaux, note bien et n’oublie pas que la joie parfaite n’est pas encore en cela ! »

Puis, au bout de quelques instants, il l’appela encore : « O mon frère Léon, quand même le frère mineur saurait prêcher si éloquemment qu’il convertirait à la foi tous les infidèles, aie soin de mettre par écrit que ce n’est pas encore en cela que réside la joie parfaite ! »

Et ainsi cette manière de parler se prolongea bien pendant deux milles. Or le frère Léon, extrêmement étonné de tout cela, dit enfin : « Mais mon Père, je t’en prie pour l’amour de Dieu, dis-moi donc où se trouve la joie parfaite ? »

A quoi le saint répondit en disant : « Tout à l’heure, lorsque nous parviendrons à Sainte Marie des Anges, tout trempés de pluie et gelés de froid, tout souillés de boue et tourmentés de faim, et que nous sonnerons à la porte du couvent, s’i arrivait que le portier vînt vers nous d’un air furieux et nous dit : «

« Qui êtes-vous ? » à quoi nous répondrions : « Nous sommes deux de vos frères ! ». Mais lui, au contraire, nous dirait : « la vérité est que vous êtes deux ribauds qui vous en allez de tous côtés par le monde, ravissant les aumônes des pauvres ; »

« Et puis il refuserait de nous ouvrir, mais nous ferait rester dans la neige et dans l’eau et dans le froid et la faim jusqu’à la nuit ; et nous alors, si nous réussissions à supporter patiemment, sans trouble et sans murmure, tant d’injures et de rebuffades,

« et que, humblement et charitablement, nous pensions que ce portier nous connaît vraiment tels que nous sommes et que c’est Dieu lui-même qui excite sa langue contre nous, ô mon frère Léon, inscris bien ceci, c’est en cela que consisterait la joie parfaite !

« Et puis que si nous persistions à frapper et que ce portier en fût exaspéré comme contre des importuns et se mît rudement à nous rouer de coups, en nous disant : « Voulez-vous, bien vite, vous sauvez d’ici, sale racaille et vous en allez à l’hôpital ! car enfin, qui donc êtes-vous ? Vous n’aurez absolument rien à manger ici ! »

« et que si nous subissions encore patiemment tout cela, et recevions ces injures de tout notre cœur, avec amour, ö mon frère Léon, inscris bien que c’est là que serait la joie parfaite !

« Et que si, ensuite, tourmentés par une faim pressante, affligés du froid, et voyant la nuit toute proche, nous nous remettions à frapper et à appeler, et à supplier en pleurant qu’on daignât nous ouvrir et qu’alors cet homme, enragé, s’écriât : « Voilà, par exemple des créatures insolentes et effrontées ! Mais je saurai bien les faire tenir tranquilles !

« Et puis que, sortant un gourdin noueux et nous saisissant par le capuchon, il nous jetât, dans la boue et la neige et nous frappât si fort du susdit gourdin qu’il nous couvrit de plaies de la tête aux pieds

« et que si nous acceptions avec joie ces injures et ces coups, en songeant que nous avons le devoir de subir avec patience les peines que nous inflige le Christ bienheureux,

« ô mon frère Léon, alors nous connaîtrons la joie parfaite. Car entre toutes les grâces du Saint Esprit que le Christ accordées et données à ses amis, il n’y en a point de plus précieuse que de se vaincre soi-même et de supporter volontiers tous les opprobres pour le Christ et pour l’amour de Dieu.

« Et, en effet, de toutes les choses admirables que je t’ai nommées tout à l’heures, nous n’avons pas le droit de nous en enorgueillir, attendu que ces choses ne viennent pas de nous mais de Dieu : car que possèdes-tu que tu n’aies reçu de moi ? Et si tu as reçu, pourquoi t’enorgueillis-tu comme si tu n’avais point reçu ? Mais au contraire, des tribulations et des afflictions et de la grâce qu’elles constituent pour nous, de cela nous pouvons nous en enorgueillir, car cela vient vraiment de nous !

« Et c’est pourquoi l’apôtre a dit : « Quand à moi, je n’ai garde de m’enorgueillir de rien, si ce n’est de la croix du Seigneur » ( Les Fioretti. Ch.VIII)

Les informations de la semaine : « Redemptionis Sacramentum »

 

La semaine dernière, le vendredi 23 avril 2004, le cardinal Arinze, préfet de la Congrégation pour le culte divin, a rendu public, à Rome, le texte de l’instruction liturgique « Redemptionis Sacramentum ». Le Souverain Pontife l’avait annoncé et demandé aux Congrégations Romaines compétentes, l’an dernier, dans son encyclique « Ecclesia de Eucharistia ». Il écrivait :

« Précisément pour renforcer ce sens profond des normes liturgiques, j’ai demandé aux dicastères compétents de la Curie Romaine de préparer un document plus spécifique, avec des rappels d’ordre également juridiques sur ce thème de grande importance ».
« Il n’est permis à personne de sous-évaluer le mystère remis entre nos mains ! il est trop grand pour que quelqu’un puisse se permettre de le traiter à sa guise, ne respectant ni son caractère sacré ni sa dimension universelle »(n52).
C’est aujourd’hui chose faite.

Ce texte, de lecture aride, comprend une énumération impressionnante de prescriptions liturgiques touchant la célébration de l’Eucharistie.Il y a près de 200 paragraphes. Il aborde les « choses » dans le détail. Il va de la « matière » eucharistique, le pain, le vin, à la tenue des officiants, la chasuble pour l’officiant, en passant par la sainte communion, son ministre ordinaire, extraordinaire, les conditions requises pour sa réception, sans oublier de préciser les lieux où peuvent être célébrés les « saints mystères », la « piété et la fidélité avec lesquels il faut que prêtres et fidèles y prennent part… Ce texte a manifestement pour but de corriger les abus qui se sont installés dans de nombreux endroits, en cette affaire la plus sainte pour l’Eglise : le sainte Eucharistie, principe et fin de toutes activités ecclésiales et sacerdotales.

Première réflexion.

Je dirai tout de suite que ce texte ne nous concerne pas, ne concerne pas les « communautés traditionnelles » dans la célébration de la messe. Tous ces abus - et comme ils sont nombreux ! - n’ont pas franchis le seuil de nos « sanctuaires », ni ceux de la FSSPX, ni ceux de la FSPX, ni ceux de la Fraternité du Christ Roi, ni ceux de le Fraternité de la Transfiguration….ni ceux des moines bénédictins, ni ceux de Fontgombault … ni ceux du Barroux. Je viens de passer un jour au monastère de Sainte Madeleine. Nous étions le jeudi de la semaine pascale. J’ai assisté à la messe conventuelle, messe solennelle avec diacre et sous-diacre, messe chantée. Tout fut d’une qualité remarquable. Quelle piété ! Quelle fidélité dans les rubriques. Quel recueillement ! Ce que ce nouveau document « Redemptionis Sacramentum » réclame avec solennité pour la pratique liturgique en raison de son caractère sacré, est déjà appliqué, ô combien ! dans toutes ces sanctuaires. Oui ! Ce document ne nous concerne pas.

Deuxième réflexion

Ceci me conduit à une deuxième remarque générale : le rite traditionnel, latin, grégorien, dit de Saint Pie V que toutes ces communautés ont gardé, les a lui-même gardées dans le respect liturgique, dans le sens du sacré, dans le respect et l’adoration de la Sainte Eucharistie, dans l’amour du Saint Sacrifice de la messe, loin des innovations, des improvisations, des inventions liturgiques qu’il fallait faire pour soi-disant mieux « coller » aux réalités sociologiques et anthropologiques du peuple du XXe siècle.

C’est vraiment à noter.

Le rite romain codifié par Saint Pie V, et sous ce rapport « canonisé », a gardé dans le « droit chemin » les communautés qui l’ont gardé, qui ont su le sauver. Ce mérite en revient pour une grande part à Mgr Lefebvre, ce saint évêque, qui a su fonder ses séminaires sur la beauté liturgique. Alors que, 3O ans après la réforme liturgique, qui a suivi le Concile Vatican II, 30 ans après la pratique du « Novus Ordo Missae », 30 après ce rite « modernus » qu’il faut distinguer du vrai rite romain, il est nécessaire de le « corriger », de « corriger » ceux qui le pratiquent assidûment. Il est nécessaire que l’autorité ecclésiastique intervienne bruyamment pour « essayer » de remettre de l’ordre dans la vie paroissiale. Un rite, le rite « romanus » a su protéger ses enfants de toutes déviations, l’autre, le rite « modernus, non. D’où ce nouveau texte « Redemptionis Sacramentum »…Et pourtant la pâte humaine est la même de part et d’autre. Cela ne devrait-il pas faire réfléchir l’autorité ?

Troisième réflexion.

Ce nouveau texte, au delà de tous ses rappels certainement nécessaires en matière liturgique, rappels de tous ordres, insiste sur une idée : le rôle spécifique du prêtre dans le sacrement de l’Eucharistie. C’est comme le leitmotiv de ce texte. C’est l’idée qui revient le plus souvent dans tout le texte.
On sait que dans son encyclique « Ecclesia de Eucharistia », le Pape Jean-Paul II avait parlé des « ombres » survenues dans la pratique eucharistique. Il les décrit. Il les analyse. Il en retient essentiellement trois : celles relatives à la Présence réelle, celles relatives aux Saint Sacrifice de la Messe, et celles relatives au ministre de l’autel, le sacerdoce ministériel. Il faut noter que ce sont celles-là même que le cardinal Ottaviani avait présentées, en son temps, en 1969, au Pape Paul VI. Nous nous en sommes réjouis. ( cf, mon commentaire dans ITEM. Voir le dossier sur Rédemptionis Sacramentum »).

Or il faut bien le reconnaître : les rédacteurs de « Redemptionis Sacramentum » ont réellement pris en compte les préoccupations du Pontife. Ils attirent bien l’attention des évêques - c’est surtout à leur vigilance qu’est confiée dans l’Eglise cette remise en ordre liturgique - sur ces trois idées essentielles à la théologie de la Sainte Eucharistie. Ils rappellent souvent que l’Eucharistie n’est pas d’abord une « assemblée eucharistique », mais bien un « sacrifice ».

Voyez le numéro 38 : « La doctrine constante de l’Église sur la nature, non seulement conviviale, mais aussi et avant tout sacrificielle de l’Eucharistie doit être à juste titre considérée comme l’une des principales clefs de la pleine participation de tous les fidèles à un si grand Sacrement.[97]”.
Et comme confirmatur, on cite, immédiatement , le Pape dans son Encyclique “Ecclesia de Eucharistia : «Privé de sa valeur sacrificielle, le Mystère eucharistique est considéré comme s’il n’allait pas au-delà du sens et de la valeur d’une rencontre conviviale et fraternelle».[98]
On rencontre dans le texte assez souvent l’expression de « sacrifice ». Mais on n’y insiste pas beaucoup. On ne précise pas trop. Ce n’est pas la grande préoccupation des rédacteurs. On rappelle aussi que le Christ est présent « vraiment, réellement » dans l’Eucharistie.

Voyez le numéro 134. On cite le Concile de Trente, que l’on donne en note. On dit que, dans l’Eucharistie, le Christ est présent « vraiment », « réellement » sous les espèces eucharistiques. On oublie cependant la troisième note : « substantiellement » présent. Pourquoi ? Je ne sais pas. Mais cette présence « réelle » exige le respect. On lui doit l’adoration. Ainsi on va encourager les actes de piété en l’honneur du Très Saint Sacrement. Ce sont de très heureux rappels. Mais on passe assez vite.

- Je pense que ces deux idées : « sacrifice rédempteur », « présence réelle » auraient pu être beaucoup plus développées, conformément à l’insistance pontificale. Mais laissons cela pour l’instant. –

Par contre la troisième idée essentielle à la théologie catholique du « Sacrement Eucharistique » : la nécessité du sacerdoce ministériel agissant in persona Christi pour réaliser la Sainte Eucharistie, est déclarée tout au long du document. Ca saute aux yeux à la première lecture.
On a l’impression que Rome est comme préoccupée par le danger de voir s’imposer dans l’Eglise la « théologie protestante du sacerdoce », absorbant le sacerdoce ministériel dans celui des fidèles, refusant la distinction essentielles entre le sacerdoce ministériel et le sacerdoces des fidèles, faisant alors de la « communauté hiérarchisée» le seul ministre de l’Eucharistie. Qui n’a dans sa mémoire cette description du « sacerdoce » de Max Thurian, protestant, écrivant sans son livre : « Le sacerdoce et le ministère » : « le prêtre préside le repas, invoque le Saint-Esprit, dit les paroles du Christ, présente au Père le Mémorial de la Croix, de la Résurrection et de l’intercession du Fils, le sacrifice de louange, de supplication de l’Eglise ; il ne jouit pas d’un pouvoir sacerdotal privé. C’est en tant que pasteur de la communauté chrétienne, entouré des fidèles et avec eux, qu’il accomplit ce ministère de présidence eucharistique, qu’il participe à l’unique sacerdoce du Christ…Le sacerdoce, l’ordination du ministre ne l’arrache pas à la condition commune du laïcat ».

Rome semble vouloir « lutter » contre cette idée. Elle semble être la grande préoccupation de Rome.

C’est pourquoi sont bannies dans ce texte « Redemptionis Sacramentum » entre autres, les expressions « de communauté célébrante » ou « officiante » : « Ainsi, il ne faut employer qu’avec prudence des expressions telles que «communauté célébrante» ou «assemblée célébrante»(n°42)

J’ai noté au fil de ma lecture les numéros qui insistent sur le rôle spécifique du prêtre dans le mystère de la Sainte Eucharistie
En voici quelques-uns :
Le numéro 30 : - «Dans la célébration eucharistique», la grande responsabilité incombe «surtout aux prêtres, auxquels il revient de la présider in persona Christi, assurant un témoignage et un service de la communion non seulement pour la communauté qui participe directement à la célébration, mais aussi pour l’Église universelle, qui est toujours concernée par l’Eucharistie. Il faut malheureusement déplorer que, surtout à partir des années de la réforme post-conciliaire, en raison d’un sens mal compris de la créativité et de l’adaptation, les abus n’ont pas manqué, et ils ont été des motifs de souffrance pour beaucoup».[70]
Le numéro 31 « … Ainsi, ils(les prêtres) ne doivent pas évacuer la signification profonde de leur propre ministère, en défigurant d’une manière arbitraire la célébration liturgique par des changements, des omissions ou des ajouts.

Le numéro 42 « Il est nécessaire de reconnaître que l’Église ne se forme pas par une décision humaine, mais qu’elle est convoquée par Dieu dans l’Esprit Saint et qu’elle répond par la foi à son appel gratuit: en effet, le mot ekklesia est en rapport avec klesis , qui signifie “appel”.[106] On ne peut donc pas considérer le Sacrifice eucharistique dans le sens univoque de «concélébration» du prêtre avec le peuple qui est présent.[107] Au contraire, l’Eucharistie célébrée par les prêtres est un don «qui dépasse radicalement le pouvoir de l’assemblée [ ... ]. Pour être véritablement une assemblée eucharistique, la communauté qui se réunit pour la célébration de l’Eucharistie a absolument besoin d’un prêtre ordonné qui la préside. D’autre part, la communauté n’est pas en mesure de se donner à elle-même son ministre ordonné».[108] Il est nécessaire et urgent de tout mettre en œuvre pour écarter toute ambiguïté dans ce domaine, et apporter un remède aux difficultés qui ont surgi ces dernières années.”

Le numéro 52 : « La proclamation de la Prière eucharistique, qui, par nature, est le sommet de toute la célébration, est réservée au prêtre en vertu de son ordination. Ainsi, c’est un abus de faire dire certaines parties de la Prière eucharistique par un diacre, par un ministre laïc, ou bien par un fidèle ou par tous les fidèles ensemble. C’est pourquoi la Prière eucharistique doit être dite entièrement par le prêtre, et par lui seul. »

Le numéro 73 : « Dans la célébration de la sainte Messe, la fraction du pain eucharistique commence après l’échange de la paix, pendant que l’on dit l’Agnus Dei; elle est accomplie seulement par le prêtre célébrant, et, si le cas se présente, avec l’aide d’un diacre ou d’un concélébrant, mais jamais d’un laïc. En effet, le geste de la fraction du pain «accompli par le Christ à la dernière Cène et qui, depuis l’âge apostolique, a donné son nom à toute l’action eucharistique, signifie que les multiples fidèles, dans la Communion à l’unique pain de vie, qui est le Christ, mort et ressuscité pour le salut du monde, deviennent un seul corps (1 Co 10, 17)».[153] C’est pourquoi il faut accomplir ce rite avec le plus grand respect.[154] Cependant, sa durée doit être brève. Il est très urgent de corriger l’abus, qui se répand dans certains lieux, de prolonger ce rite sans nécessité, y compris avec l’aide de laïcs, contrairement aux normes, et de lui attribuer une importance exagérée.”[

Le numéro 110 : «Que les prêtres célèbrent fréquemment, ayant toujours présent à l’esprit le fait que l’œuvre de la rédemption se réalise continuellement dans le mystère du Sacrifice eucharistique; bien plus, leur est vivement recommandée la célébration quotidienne qui est vraiment, même s’il ne peut y avoir la présence de fidèles, action du Christ et de l’Église, dans la réalisation de laquelle les prêtres accomplissent leur principale fonction».


Le numéro 146 : « Le sacerdoce ministériel est absolument irremplaçable. En effet, si dans une communauté le prêtre fait défaut, elle se trouve privée de l’exercice de la fonction sacramentelle du Christ, Tête et Pasteur, qui est essentielle pour la vie même de la communauté ecclésiale.[247] De fait, «seul le prêtre validement ordonné est le ministre qui, in persona Christi, peut réaliser le sacrement de l’Eucharistie».[248]

Le numéro 157: “Si, habituellement, les ministres sacrés présents à la célébration sont en nombre suffisant, y compris pour la distribution de la sainte Communion, il n’est pas permis de députer à cette fonction les ministres extraordinaires de la sainte Communion. Dans des circonstances de ce genre, ceux qui seraient députés à un tel ministère, ne doivent pas l’exercer. Il faut donc réprouver expressément l’attitude de ces prêtres qui, tout en étant présents à la célébration, s’abstiennent néanmoins de donner la communion, en chargeant les laïcs d’assumer une telle fonction.[258]

C’est clair.
Oui ! Le caractère propre du sacerdoce ministériel et son rôle spécifique dans la réalisation de la Sainte Eucharistique, est vraiment le leit motiv de ce nouveau document. La préoccupation majeure, l’insistance essentielle du texte. C’est une bonne chose.


Quatrième réflexion :

Ce texte est certainement un effort louable de la hiérarchie pour mettre un peu d’ordre dans les communautés qui ne célèbrent que le « Novus Ordo Missae ». Mais je doute qu’elle y parvienne de cette manière. Pourquoi ?
Parce qu’elle reste attachée au grand texte majeur qui a présidé à la réforme liturgique issue du Concile Vatican II, à savoir : « l’Institutio Généralis Missalis Romani» publiée par le Pape Paul VI dans sa Constitution apostolique « Missale Romanum » du 3 avril 1969.
C’est la grande idée des auteurs de ce nouveau texte : « Redemptionis Sacramentum ». Il faut revenir à « l’’Insitutio Generalis ». Ce texte est cité tout au long du document fait de 186 numéros et des 295 notes.
C’est aussi la préoccupation de l’épiscopat français exprimée juste après la publication du document. Mgr Le Gal, évêque de Mende et président de la commission liturgique de la Conférence épiscopale française, nous l’a clairement dit dans son interview de la Croix du lundi 26 avril : « il ne s’agit ( dans ce texte de Redemptionis Sacramentum )ni d’un « coup de balai » disciplinaire, ni d’un retour en arrière mais de revenir aux sources même du Concile Vatican II pour qu’on célèbre mieux. Et pour que, éventuellement, on supprime les abus qui peuvent exister et qui sont dus, principalement, à l’ignorance ou à la méconnaissance de certains textes, comme la Présentation Générale du Missel romain, dont les évêques français préparent actuellement la traduction de la troisième édition»

Mgr Le Gal y insiste : A la question, en tant que président de la Commission de la liturgie comment allez-vous mettre en œuvre ce texte de l’instruction ? » il répond : « Nous commencerons par continuer, à la lumière de ce texte, par continuer de traduire la troisième édition de la Présentation générale du Missel romain. »

Les abus - vous avez bien lu comme moi - , seraient, pour Mgr Le Gal, dus pour l’essentiel à l’ignorance et à la méconnaissance de certains textes comme la Présentation Générale du Missel Romain,dont les évêques préparent actuellement la traduction de la troisième édition ».

C’est parce que le clergé ignore ou méconnaît « l’Institutio Generalis » du Missel Romain que les abus se sont installés en France.

J’en prends acte. Mais sincèrement je n’en suis pas sur.

Je doute que Rome parvienne, de cette manière, à corriger les abus. Je doute vraiment que Rome, de cette manière, parvienne à réaliser sa grande préoccupation exprimée ici avec force : sauver le rôle spécifique du prêtre dans le sacrement de l’Eucharistie.

Non point que son intention ne soit pas franche. Elle fut exprimée avec solennité dans la lettre du Pape aux Prêtres le Jeudi Saint de cette année C’est l’article 4 de la lettre :
« Comme le Sacerdoce, l'Eucharistie est un don de Dieu «qui dépasse radicalement le pouvoir de l'assemblée» et que celle-ci «reçoit à travers la succession épiscopale qui remonte jusqu'aux Apôtres» (Ecclesia de Eucharistia, n.29). Le Concile Vatican II enseigne que «celui qui a reçu le sacerdoce ministériel, en vertu du pouvoir sacré dont il jouit, [...] célèbre le sacrifice eucharistique en la personne du Christ et l'offre à Dieu au nom de tout le peuple» (Lumen gentium, n.10). Une dans la foi et dans l'Esprit, et enrichie de multiples dons, tout en constituant le lieu dans lequel «le Christ est toujours présent à son Église, surtout dans les actions liturgiques» (Sacrosanctum Concilium, n.7), l'assemblée des fidèles, n'est pas en mesure de «faire» à elle seule l'Eucharistie, ni de «se donner» un ministre ordonné ».(n°4)

Oui ! Vraiment on ne peut douter de cette intention.
Mais je doute du succès.

Pourquoi ?

Parce que c’est précisément ce texte majeur de la réforme liturgique : « l’Institutio Generalis Massalis Romani » qui a favorisé l’entrée dans l’Eglise de cette nouvelle théologie plus protestante que catholique.
Or ce texte n’a pas été fondamentalement modifié depuis sa publication par Paul VI en 1970 . Substantiellement c’est le même, le même dans sa troisième édition que le Cardinal Medina publia voici un peu plus d’un an. ET le Nouvel Ordo est toujours resté le même. Si l’on revient à la cause des abus - ce qui est le cas - on ne supprimera pas les abus. Je me permets de faire remarquer : Que valent les intentions, si l’on respecte encore ce qui a engendré le « désordre ». Je reconnais et applaudis, comme il le faut, ce beau désir de réforme, mais déplore que l’on maintienne et que l’on recourt encore à ce qui a engendré la « mort » liturgique, la décomposition de la « prière liturgique » dans l’Eglise.

Souvenez vous donc des critiques qu’un groupe de théologiens et de pasteurs a présenté, par les mains du Cardinal Ottaviani, au Souverain Pontife Paul VI et que l’on a appelé le « Bref Examen Critique »
Je ne peux pas ne pas vous citer les pages qui attiraient l’attention du Pape sur cette idée du sacerdoce ministériel mis à mal dans le Novus Ordo Missae ».

Souvenez-vous. Je vous donne juste quelques passages concernant cette idée :

« Considérons enfin le nouvel Ordo Missae du point de vue de l’accomplissement du Sacrifice

Les quatre éléments qui interviennent dans cet accomplissement sont, par ordre : le Christ, le prêtre, l’Eglise, les fidèles.

1.- Situation des fidèles dans le nouveau rite.

Le nouvel Ordo Missae présente le rôle des fidèles comme autonome, ce qui est manifestement faux. Cela commence dans la définition initiale du numéro 7 : « La messe est la synaxe sacrée ou le rassemblement du Peuple de Dieu ». Cela continue par la signification que le n° 28 attribue au salut que le prêtre adresse au peuple : « Le prêtre, par une salutation, exprime à la communauté réunie la Présence du Seigneur. Par cette salutation et par la réponse du peuple est manifesté le mystère de l’Eglise assemblée ». Vraie présence du Christ ? Oui, mais seulement spirituelle. Mystère de l’Eglise ? Certes, mais seulement en tant qu’assemblée manifestant ou sollicitant cette présence spirituelle.
Cela se trouve continuellement. C’est le caractère communautaire de la messe qui revient constamment. Comme une obsession (n° 74 à 152). C’est la distinction, inouïe jusqu’à présent, entre la messe avec peuple (cum populo) et la messe sans peuple (sine populo) (n° 77à 231) . C’est la définition de la « prière universelle », ou prière des fidèles » (n°45), (N. B. voir mon commentaire sur ce sujet. Cliquez ici) où l’on souligne encore une fois, « le rôle sacerdotal du peuple » (Populus sui sacerdotii munus excercens) : ce sacerdoce est présenté en l’occurrence comme s’exerçant de manière autonome, par l’omission de sa subordination à celui du prêtre ; et alors que le prêtre, consacré comme médiateur, se fait l’interprète de toutes les intentions du peuple dans le Te Igitur et dans les deux mémentos.

Dans la « Prière eucharistique III » (Vere Sanctus, p. 123 de l’ordo Mussae) on va jusqu’à dire au Seigneur : « Ne cesse pas de rassembler ton Peuple POUR QUE (ut) du lever du soleil à son coucher une oblation pure soit offerte en ton Nom ». Ce « POUR QUE (ut) donne à penser que le peule, plutôt que le prêtre, est l’élément indispensable à la célébration ; et comme il n’est point précisé, pas même en cet endroit qui est l’offrant, c’est le peuple lui-même qui se trouve présenté comme investi d’un pouvoir sacerdotal autonome. Dans ces conditions et selon ce système, il ne serait pas étonnant que bientôt le peuple soit autorisé à se joindre au prêtre pour prononcer les paroles de la Consécration. En plusieurs endroits, d’ailleurs, c’est déjà un fait accompli. (Il faut reconnaître que l’instruction romaine se dresse aujourd’hui fortement contre cet abus. Mais en maintenir le principe dans l’Institutio Généralis, c’est maintenir le ver dans le fruit. Il faut abolir le principe de l’abus pour espérer ne plus avoir l’abus. Je ne veux plus l’abus ? Je le défends. Mais je garde le « ver ». Alors ! Les abus reviendront inéluctablement. Et dans 20 ans, il faudra encore pareille sommation)

2.- Situation du prêtre dans le nouveau rite.

Le rôle du prêtre est minimisé, altéré, faussé.

Premièrement : par rapport au peuple. Il en est le « président » et le « frère », mais il n’est plus le ministre consacré célébrant in persona Christi. (On ajoute aujourd’hui dans l’instruction, il (le prêtre) préside «in Persona Christi » n° 30 : « Dans la célébration eucharistique, la grande responsabilité incombe surtout aux prêtres auxquels il revient de la présider in Persona Christi… »!!!)

Secondairement : par rapport à l’Eglise. Il en est un membre parmi d’autres, un quidam de populo. Au n° 55, dans la définition de l’épiclèse ( prière de la liturgie eucharistique sollicitant l’actiondu Saint-Esprit sur les oblats), les invocations sont attribuées anonymement à l’Eglise : le rôle du prêtre s’évanouit.

Troisièmement : dans le Confiteor devenu collectif, le prêtre n’est plus juge, témoin et intercesseur auprès de Dieu. Il est donc logique que le prêtre n’ait plus à donner l’absolution, qui a été effectivement supprimée. Le prêtre est intégré aux « frères » : l’enfant de cœur servant la messe l’appelle ainsi dans le Confiteor de la messe « sans peuple ».

Quatrièmement : déjà la distinction entre la communion du prêtre et celle des fidèles avait été supprimée. Cette distinction est cependant chargée de signification. Le prêtre tout au cours de la messe agit in persona Christi. En s’unissant intimement à la victime offerte, d’une manière qui est propre à l’ordre sacramentel, il exprime l’identité du Prêtre et de la Victime ; identité qui est propre au Sacrifice du Christ, et qui, manifestée sacramentellement, montre que le Sacrifice de la Croix et le sacrifice de la messe est substantiellement le même.

Cinquièmement : plus un seul mot désormais sur le pouvoir du prêtre comme ministre du sacrifice, ni sur l’acte consécratoire qui lui revient en propre, ni sur la réalisation par son intermédiaire de la Présence eucharistique. On ne laisse plus apparaître ce que le prêtre catholique a de plus qu’un ministre protestant.

(Voilà ce qui est exprimé dans le rite nouveau. Voilà ce qu’il faudrait changer. Je reconnais, bien volontiers, - je le répète, et je m’en réjouis - , que Rome s’élève, avec force, aujourd’hui, contre cette idée. Mais le fait que l’épiscopat français, par exemple, veuille revenir toujours purement et simplement à « la Présentation Générale de la Messe Romaine » (l’Institutio) et que ce texte demeure substantiellement toujours le même, - tel qu’il est bien analysé dans le Bref Examen Critique - , il est à parier, que ce texte exercera toujours sa même influence. C’est le rite lui-même de la Nouvelle Messe qu’il faut changer en des parties importantes. Une déclaration d’intention ne suffira pas. Il ne faut oublier l’axiome : « Lex orandi, Lex credendi ».)

(La Sixième critique du Bref Examen tombe aujourd’hui : il s’agit des ornements liturgiques. Ce point a son importance ici. Les ornements symbolisent les vertus du Christ dont le prêtre se revête lors de l’oblation du sacrifice. Ces ornements sont bien des signes de conformation du prêtre au Christ. L’instruction liturgique « Redemptionis Sacramentum » en rappelle l’obligation. C’est le numéro 123 . «Le vêtement propre au prêtre célébrant, pour la Messe et pour les autres actions sacrées en liaison immédiate avec la Messe, est la chasuble, à moins que ne soit prévu un autre vêtement à revêtir par-dessus l’aube et l’étole».[213] De même, lorsque, conformément aux rubriques, le prêtre revêt la chasuble, il ne doit pas omettre de porter l’étole. Tous les Ordinaires doivent veiller à ce que tout usage contraire soit supprimé.”

Mais ce même texte cite en note le texte de l’Institutio Generalis, les numéros 330 . Mais le numéro 298 affirme bien que dans certains cas l’aube et l’étole suffisent. On en revient bien à la note six du Bref Examen critique : “l”usage de nombre d’ornements est aboli ou rendu facultatif: dans certains cas l’aube et l’étole suffisent.” (Fin de cette longue citation)

Je me permets d’ajouter : Va-t-on garder inchangées les affirmations de “l’Institutio Generalis” sur la notion de sacrifice, sur la notion de la Prsence réelle? Va-t-on maintenir non corrigé le rite lui-même? Vraiment je reste perplexe sur l’efficacité de cette restauration, de cette “reforme de la réforme” tellement désirée par le Cardinal Ratzinger et par le cardinal Stickler.


Conclusion

Aussi je conprends assez bien le ton serein des commentateurs du journal “La Croix”. Ils craignaient le pire. Tout compte fait, cette reforme les laisse en paix.

Yves Pitette écrit : « rien de la liturgie renouvelée par le Concile couramment observée en France n’est remis en cause et il n’y a pas non plus de concession particulière qui soit consentie aux courants les plus traditionalistes ». Ouf !

Ou encore : « Le message est clair : l’Eucharistie se situe au cœur de la foi et chaque prêtre n’est pas libre de la célébrer selon son bon plaisir. Mais pour le plus grand nombre, il n’y a rien, dans cette instruction, susceptible de déchaîner des tempêtes » Ouf !.

Michel Kubler écrit lui aussi : « Rome redit ce qu’il faut faire ou éviter « lorsque l’Eucharistie est célébrée ». « Il n’y a là rien de neuf, mais le rappel des dispositions parfois ignorées oubliées ou négligées. Pas de quoi fouetter un liturge… »

Et Mgr Le Gal lui-même exprime même apaisement : « il ne s’agit ni d’un « coup de balai » disciplinaire, ni d’un retour en arrière mais de revenir aux sources même du Concile Vatican II …comme la Présentation Générale du Missel romain, dont les évêques français préparent actuellement la traduction de la troisième édition».

Il ne s’agit pas d’un « coup de balai », dit Mgr Le Gal. Soit ! Pourvu qu’il ne s’agisse pas encore d’un « coup d’épée dans l’eau ».

Je le crains. Je le crains d’autant plus quand je lis la conclusion de l’article de Michel Kubler, dans la Croix du 26 avril : « Une question reste cependant ouverte, une fois ce rappel des normes effectué… Cette question est celle du caractère vivant de la liturgie du peuple de Dieu : vivant, donc en perpétuel mouvement, dans l’espace et le temps. D’où la tension inhérente à toute Eucharistie : célébrer le Sacrifice du Christ se donnant en partage pour la vie du monde et le manifester avec des mots et des gestes qui puissent être perçus par chacun. Il y a le mystère intangible « de toujours » et sa célébration –Parole et Pain – « de ce jour ». Le rappel des normes existantes ne dispense pas un travail permanent – comme le Concile le fait- pour inscrire ce mystère éternel dans la diversité et l’évolution des expressions culturelles ».

Les adaptations, les évolutions liturgiques ne sont donc pas finies… Elles sont non seulement probables et possibles, mais nécessaires. Car tout change et bouge, même les « expressions culturelles ». Surtout les « expressions culturelles ».

Et ce n’est certainement pas la note 39 de l’instruction liturgique : « Redemptionis Sacramentum », et sa rédaction qui va freiner, retenir, limiter, ordonner ce désir, résolument exprimé, d’adaptations constantes pour « inscrire ce mystère éternel -la Pâque - dans la diversité et l’évolution des expressions culturelles ».

Jugez vous-même : « 39 - ….un large espace est laissé à une liberté d’adaptation opportune, qui est fondée sur le principe que chaque célébration doit être adaptée aux besoins des participants, ainsi qu’à leur capacité, leur préparation intérieure et leur génie propre, selon les facultés établies par les normes liturgiques. Dans chaque célébration, il existe d’amples possibilités d’introduire une certaine variété dans le choix des chants, des mélodies, des oraisons et des lectures bibliques, ainsi que dans le cadre de l’homélie, dans la préparation de la prière des fidèles, dans les monitions qui sont parfois prononcées, et dans l’ornementation de l’église en fonction des temps liturgiques. Ces éléments doivent contribuer à mettre en évidence plus clairement les richesses de la tradition liturgique, et, tout en tenant compte des nécessités pastorales, à conférer avec soin une connotation particulière à la célébration, dans le but de favoriser la participation intérieure. Cependant, il faut se souvenir que l’efficacité des actions liturgiques ne réside pas dans les changements fréquents des rites, mais en vérité dans l’approfondissement de la parole de Dieu et du mystère célébré »

Et vogue la galère ! Mais quand donc ces « modernistes » quitteront le bateau ?

Abbé Paul Aulagnier.