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de la semaine : « Redemptionis Sacramentum »
La semaine dernière, le vendredi
23 avril 2004, le cardinal Arinze, préfet de la Congrégation
pour le culte divin, a rendu public, à Rome, le texte de l’instruction
liturgique « Redemptionis Sacramentum ». Le Souverain
Pontife l’avait annoncé et demandé aux Congrégations
Romaines compétentes, l’an dernier, dans son encyclique
« Ecclesia de Eucharistia ». Il écrivait :
« Précisément
pour renforcer ce sens profond des normes liturgiques, j’ai
demandé aux dicastères compétents de la Curie
Romaine de préparer un document plus spécifique, avec
des rappels d’ordre également juridiques sur ce thème
de grande importance ».
« Il n’est permis à personne de sous-évaluer
le mystère remis entre nos mains ! il est trop grand pour que
quelqu’un puisse se permettre de le traiter à sa guise,
ne respectant ni son caractère sacré ni sa dimension
universelle »(n52).
C’est aujourd’hui chose faite.
Ce texte, de lecture aride, comprend
une énumération impressionnante de prescriptions liturgiques
touchant la célébration de l’Eucharistie.Il y
a près de 200 paragraphes. Il aborde les « choses »
dans le détail. Il va de la « matière »
eucharistique, le pain, le vin, à la tenue des officiants,
la chasuble pour l’officiant, en passant par la sainte communion,
son ministre ordinaire, extraordinaire, les conditions requises pour
sa réception, sans oublier de préciser les lieux où
peuvent être célébrés les « saints
mystères », la « piété et la fidélité
avec lesquels il faut que prêtres et fidèles y prennent
part… Ce texte a manifestement pour but de corriger les abus
qui se sont installés dans de nombreux endroits, en cette affaire
la plus sainte pour l’Eglise : le sainte Eucharistie, principe
et fin de toutes activités ecclésiales et sacerdotales.
Première réflexion.
Je dirai tout de suite que ce texte
ne nous concerne pas, ne concerne pas les « communautés
traditionnelles » dans la célébration de la messe.
Tous ces abus - et comme ils sont nombreux ! - n’ont pas franchis
le seuil de nos « sanctuaires », ni ceux de la FSSPX,
ni ceux de la FSPX, ni ceux de la Fraternité du Christ Roi,
ni ceux de le Fraternité de la Transfiguration….ni ceux
des moines bénédictins, ni ceux de Fontgombault …
ni ceux du Barroux. Je viens de passer un jour au monastère
de Sainte Madeleine. Nous étions le jeudi de la semaine pascale.
J’ai assisté à la messe conventuelle, messe solennelle
avec diacre et sous-diacre, messe chantée. Tout fut d’une
qualité remarquable. Quelle piété ! Quelle fidélité
dans les rubriques. Quel recueillement ! Ce que ce nouveau document
« Redemptionis Sacramentum » réclame avec solennité
pour la pratique liturgique en raison de son caractère sacré,
est déjà appliqué, ô combien ! dans toutes
ces sanctuaires. Oui ! Ce document ne nous concerne pas.
Deuxième réflexion
Ceci me conduit à une deuxième
remarque générale : le rite traditionnel, latin, grégorien,
dit de Saint Pie V que toutes ces communautés ont gardé,
les a lui-même gardées dans le respect liturgique, dans
le sens du sacré, dans le respect et l’adoration de la
Sainte Eucharistie, dans l’amour du Saint Sacrifice de la messe,
loin des innovations, des improvisations, des inventions liturgiques
qu’il fallait faire pour soi-disant mieux « coller »
aux réalités sociologiques et anthropologiques du peuple
du XXe siècle.
C’est vraiment à noter.
Le rite romain codifié par
Saint Pie V, et sous ce rapport « canonisé », a
gardé dans le « droit chemin » les communautés
qui l’ont gardé, qui ont su le sauver. Ce mérite
en revient pour une grande part à Mgr Lefebvre, ce saint évêque,
qui a su fonder ses séminaires sur la beauté liturgique.
Alors que, 3O ans après la réforme liturgique, qui a
suivi le Concile Vatican II, 30 ans après la pratique du «
Novus Ordo Missae », 30 après ce rite « modernus
» qu’il faut distinguer du vrai rite romain, il est nécessaire
de le « corriger », de « corriger » ceux qui
le pratiquent assidûment. Il est nécessaire que l’autorité
ecclésiastique intervienne bruyamment pour « essayer
» de remettre de l’ordre dans la vie paroissiale. Un rite,
le rite « romanus » a su protéger ses enfants de
toutes déviations, l’autre, le rite « modernus,
non. D’où ce nouveau texte « Redemptionis Sacramentum
»…Et pourtant la pâte humaine est la même
de part et d’autre. Cela ne devrait-il pas faire réfléchir
l’autorité ?
Troisième réflexion.
Ce nouveau texte, au delà de
tous ses rappels certainement nécessaires en matière
liturgique, rappels de tous ordres, insiste sur une idée :
le rôle spécifique du prêtre dans le sacrement
de l’Eucharistie. C’est comme le leitmotiv de ce texte.
C’est l’idée qui revient le plus souvent dans tout
le texte.
On sait que dans son encyclique « Ecclesia de Eucharistia »,
le Pape Jean-Paul II avait parlé des « ombres »
survenues dans la pratique eucharistique. Il les décrit. Il
les analyse. Il en retient essentiellement trois : celles relatives
à la Présence réelle, celles relatives aux Saint
Sacrifice de la Messe, et celles relatives au ministre de l’autel,
le sacerdoce ministériel. Il faut noter que ce sont celles-là
même que le cardinal Ottaviani avait présentées,
en son temps, en 1969, au Pape Paul VI. Nous nous en sommes réjouis.
( cf, mon commentaire dans ITEM. Voir le dossier sur Rédemptionis
Sacramentum »).
Or il faut bien le reconnaître
: les rédacteurs de « Redemptionis Sacramentum »
ont réellement pris en compte les préoccupations du
Pontife. Ils attirent bien l’attention des évêques
- c’est surtout à leur vigilance qu’est confiée
dans l’Eglise cette remise en ordre liturgique - sur ces trois
idées essentielles à la théologie de la Sainte
Eucharistie. Ils rappellent souvent que l’Eucharistie n’est
pas d’abord une « assemblée eucharistique »,
mais bien un « sacrifice ».
Voyez le numéro 38 : «
La doctrine constante de l’Église sur la nature, non
seulement conviviale, mais aussi et avant tout sacrificielle de l’Eucharistie
doit être à juste titre considérée comme
l’une des principales clefs de la pleine participation de tous
les fidèles à un si grand Sacrement.[97]”.
Et comme confirmatur, on cite, immédiatement , le Pape dans
son Encyclique “Ecclesia de Eucharistia : «Privé
de sa valeur sacrificielle, le Mystère eucharistique est considéré
comme s’il n’allait pas au-delà du sens et de la
valeur d’une rencontre conviviale et fraternelle».[98]
On rencontre dans le texte assez souvent l’expression de «
sacrifice ». Mais on n’y insiste pas beaucoup. On ne précise
pas trop. Ce n’est pas la grande préoccupation des rédacteurs.
On rappelle aussi que le Christ est présent « vraiment,
réellement » dans l’Eucharistie.
Voyez le numéro 134. On cite
le Concile de Trente, que l’on donne en note. On dit que, dans
l’Eucharistie, le Christ est présent « vraiment
», « réellement » sous les espèces
eucharistiques. On oublie cependant la troisième note : «
substantiellement » présent. Pourquoi ? Je ne sais pas.
Mais cette présence « réelle » exige le
respect. On lui doit l’adoration. Ainsi on va encourager les
actes de piété en l’honneur du Très Saint
Sacrement. Ce sont de très heureux rappels. Mais on passe assez
vite.
- Je pense que ces deux idées
: « sacrifice rédempteur », « présence
réelle » auraient pu être beaucoup plus développées,
conformément à l’insistance pontificale. Mais
laissons cela pour l’instant. –
Par contre la troisième idée
essentielle à la théologie catholique du « Sacrement
Eucharistique » : la nécessité du sacerdoce ministériel
agissant in persona Christi pour réaliser la Sainte Eucharistie,
est déclarée tout au long du document. Ca saute aux
yeux à la première lecture.
On a l’impression que Rome est comme préoccupée
par le danger de voir s’imposer dans l’Eglise la «
théologie protestante du sacerdoce », absorbant le sacerdoce
ministériel dans celui des fidèles, refusant la distinction
essentielles entre le sacerdoce ministériel et le sacerdoces
des fidèles, faisant alors de la « communauté
hiérarchisée» le seul ministre de l’Eucharistie.
Qui n’a dans sa mémoire cette description du «
sacerdoce » de Max Thurian, protestant, écrivant sans
son livre : « Le sacerdoce et le ministère » :
« le prêtre préside le repas, invoque le Saint-Esprit,
dit les paroles du Christ, présente au Père le Mémorial
de la Croix, de la Résurrection et de l’intercession
du Fils, le sacrifice de louange, de supplication de l’Eglise
; il ne jouit pas d’un pouvoir sacerdotal privé. C’est
en tant que pasteur de la communauté chrétienne, entouré
des fidèles et avec eux, qu’il accomplit ce ministère
de présidence eucharistique, qu’il participe à
l’unique sacerdoce du Christ…Le sacerdoce, l’ordination
du ministre ne l’arrache pas à la condition commune du
laïcat ».
Rome semble vouloir « lutter
» contre cette idée. Elle semble être la grande
préoccupation de Rome.
C’est pourquoi sont bannies
dans ce texte « Redemptionis Sacramentum » entre autres,
les expressions « de communauté célébrante
» ou « officiante » : « Ainsi, il ne faut
employer qu’avec prudence des expressions telles que «communauté
célébrante» ou «assemblée célébrante»(n°42)
J’ai noté au fil de ma
lecture les numéros qui insistent sur le rôle spécifique
du prêtre dans le mystère de la Sainte Eucharistie
En voici quelques-uns :
Le numéro 30 : - «Dans la célébration eucharistique»,
la grande responsabilité incombe «surtout aux prêtres,
auxquels il revient de la présider in persona Christi, assurant
un témoignage et un service de la communion non seulement pour
la communauté qui participe directement à la célébration,
mais aussi pour l’Église universelle, qui est toujours
concernée par l’Eucharistie. Il faut malheureusement
déplorer que, surtout à partir des années de
la réforme post-conciliaire, en raison d’un sens mal
compris de la créativité et de l’adaptation, les
abus n’ont pas manqué, et ils ont été des
motifs de souffrance pour beaucoup».[70]
Le numéro 31 « … Ainsi, ils(les prêtres)
ne doivent pas évacuer la signification profonde de leur propre
ministère, en défigurant d’une manière
arbitraire la célébration liturgique par des changements,
des omissions ou des ajouts.
Le numéro 42 « Il est
nécessaire de reconnaître que l’Église ne
se forme pas par une décision humaine, mais qu’elle est
convoquée par Dieu dans l’Esprit Saint et qu’elle
répond par la foi à son appel gratuit: en effet, le
mot ekklesia est en rapport avec klesis , qui signifie “appel”.[106]
On ne peut donc pas considérer le Sacrifice eucharistique dans
le sens univoque de «concélébration» du
prêtre avec le peuple qui est présent.[107] Au contraire,
l’Eucharistie célébrée par les prêtres
est un don «qui dépasse radicalement le pouvoir de l’assemblée
[ ... ]. Pour être véritablement une assemblée
eucharistique, la communauté qui se réunit pour la célébration
de l’Eucharistie a absolument besoin d’un prêtre
ordonné qui la préside. D’autre part, la communauté
n’est pas en mesure de se donner à elle-même son
ministre ordonné».[108] Il est nécessaire et urgent
de tout mettre en œuvre pour écarter toute ambiguïté
dans ce domaine, et apporter un remède aux difficultés
qui ont surgi ces dernières années.”
Le numéro 52 : « La proclamation
de la Prière eucharistique, qui, par nature, est le sommet
de toute la célébration, est réservée
au prêtre en vertu de son ordination. Ainsi, c’est un
abus de faire dire certaines parties de la Prière eucharistique
par un diacre, par un ministre laïc, ou bien par un fidèle
ou par tous les fidèles ensemble. C’est pourquoi la Prière
eucharistique doit être dite entièrement par le prêtre,
et par lui seul. »
Le numéro 73 : « Dans
la célébration de la sainte Messe, la fraction du pain
eucharistique commence après l’échange de la paix,
pendant que l’on dit l’Agnus Dei; elle est accomplie seulement
par le prêtre célébrant, et, si le cas se présente,
avec l’aide d’un diacre ou d’un concélébrant,
mais jamais d’un laïc. En effet, le geste de la fraction
du pain «accompli par le Christ à la dernière
Cène et qui, depuis l’âge apostolique, a donné
son nom à toute l’action eucharistique, signifie que
les multiples fidèles, dans la Communion à l’unique
pain de vie, qui est le Christ, mort et ressuscité pour le
salut du monde, deviennent un seul corps (1 Co 10, 17)».[153]
C’est pourquoi il faut accomplir ce rite avec le plus grand
respect.[154] Cependant, sa durée doit être brève.
Il est très urgent de corriger l’abus, qui se répand
dans certains lieux, de prolonger ce rite sans nécessité,
y compris avec l’aide de laïcs, contrairement aux normes,
et de lui attribuer une importance exagérée.”[
Le numéro 110 : «Que
les prêtres célèbrent fréquemment, ayant
toujours présent à l’esprit le fait que l’œuvre
de la rédemption se réalise continuellement dans le
mystère du Sacrifice eucharistique; bien plus, leur est vivement
recommandée la célébration quotidienne qui est
vraiment, même s’il ne peut y avoir la présence
de fidèles, action du Christ et de l’Église, dans
la réalisation de laquelle les prêtres accomplissent
leur principale fonction».
Le numéro 146 : « Le sacerdoce ministériel est
absolument irremplaçable. En effet, si dans une communauté
le prêtre fait défaut, elle se trouve privée de
l’exercice de la fonction sacramentelle du Christ, Tête
et Pasteur, qui est essentielle pour la vie même de la communauté
ecclésiale.[247] De fait, «seul le prêtre validement
ordonné est le ministre qui, in persona Christi, peut réaliser
le sacrement de l’Eucharistie».[248]
Le numéro 157: “Si, habituellement,
les ministres sacrés présents à la célébration
sont en nombre suffisant, y compris pour la distribution de la sainte
Communion, il n’est pas permis de députer à cette
fonction les ministres extraordinaires de la sainte Communion. Dans
des circonstances de ce genre, ceux qui seraient députés
à un tel ministère, ne doivent pas l’exercer.
Il faut donc réprouver expressément l’attitude
de ces prêtres qui, tout en étant présents à
la célébration, s’abstiennent néanmoins
de donner la communion, en chargeant les laïcs d’assumer
une telle fonction.[258]
C’est clair.
Oui ! Le caractère propre du sacerdoce ministériel et
son rôle spécifique dans la réalisation de la
Sainte Eucharistique, est vraiment le leit motiv de ce nouveau document.
La préoccupation majeure, l’insistance essentielle du
texte. C’est une bonne chose.
Quatrième réflexion :
Ce texte est certainement un effort
louable de la hiérarchie pour mettre un peu d’ordre dans
les communautés qui ne célèbrent que le «
Novus Ordo Missae ». Mais je doute qu’elle y parvienne
de cette manière. Pourquoi ?
Parce qu’elle reste attachée au grand texte majeur qui
a présidé à la réforme liturgique issue
du Concile Vatican II, à savoir : « l’Institutio
Généralis Missalis Romani» publiée par
le Pape Paul VI dans sa Constitution apostolique « Missale Romanum
» du 3 avril 1969.
C’est la grande idée des auteurs de ce nouveau texte
: « Redemptionis Sacramentum ». Il faut revenir à
« l’’Insitutio Generalis ». Ce texte est cité
tout au long du document fait de 186 numéros et des 295 notes.
C’est aussi la préoccupation de l’épiscopat
français exprimée juste après la publication
du document. Mgr Le Gal, évêque de Mende et président
de la commission liturgique de la Conférence épiscopale
française, nous l’a clairement dit dans son interview
de la Croix du lundi 26 avril : « il ne s’agit ( dans
ce texte de Redemptionis Sacramentum )ni d’un « coup de
balai » disciplinaire, ni d’un retour en arrière
mais de revenir aux sources même du Concile Vatican II pour
qu’on célèbre mieux. Et pour que, éventuellement,
on supprime les abus qui peuvent exister et qui sont dus, principalement,
à l’ignorance ou à la méconnaissance de
certains textes, comme la Présentation Générale
du Missel romain, dont les évêques français préparent
actuellement la traduction de la troisième édition»
Mgr Le Gal y insiste : A la question,
en tant que président de la Commission de la liturgie comment
allez-vous mettre en œuvre ce texte de l’instruction ?
» il répond : « Nous commencerons par continuer,
à la lumière de ce texte, par continuer de traduire
la troisième édition de la Présentation générale
du Missel romain. »
Les abus - vous avez bien lu comme
moi - , seraient, pour Mgr Le Gal, dus pour l’essentiel à
l’ignorance et à la méconnaissance de certains
textes comme la Présentation Générale du Missel
Romain,dont les évêques préparent actuellement
la traduction de la troisième édition ».
C’est parce que le clergé
ignore ou méconnaît « l’Institutio Generalis
» du Missel Romain que les abus se sont installés en
France.
J’en prends acte. Mais sincèrement
je n’en suis pas sur.
Je doute que Rome parvienne, de cette
manière, à corriger les abus. Je doute vraiment que
Rome, de cette manière, parvienne à réaliser
sa grande préoccupation exprimée ici avec force : sauver
le rôle spécifique du prêtre dans le sacrement
de l’Eucharistie.
Non point que son intention ne soit
pas franche. Elle fut exprimée avec solennité dans la
lettre du Pape aux Prêtres le Jeudi Saint de cette année
C’est l’article 4 de la lettre :
« Comme le Sacerdoce, l'Eucharistie est un don de Dieu «qui
dépasse radicalement le pouvoir de l'assemblée»
et que celle-ci «reçoit à travers la succession
épiscopale qui remonte jusqu'aux Apôtres» (Ecclesia
de Eucharistia, n.29). Le Concile Vatican II enseigne que «celui
qui a reçu le sacerdoce ministériel, en vertu du pouvoir
sacré dont il jouit, [...] célèbre le sacrifice
eucharistique en la personne du Christ et l'offre à Dieu au
nom de tout le peuple» (Lumen gentium, n.10). Une dans la foi
et dans l'Esprit, et enrichie de multiples dons, tout en constituant
le lieu dans lequel «le Christ est toujours présent à
son Église, surtout dans les actions liturgiques» (Sacrosanctum
Concilium, n.7), l'assemblée des fidèles, n'est pas
en mesure de «faire» à elle seule l'Eucharistie,
ni de «se donner» un ministre ordonné ».(n°4)
Oui ! Vraiment on ne peut douter de
cette intention.
Mais je doute du succès.
Pourquoi ?
Parce que c’est précisément
ce texte majeur de la réforme liturgique : « l’Institutio
Generalis Massalis Romani » qui a favorisé l’entrée
dans l’Eglise de cette nouvelle théologie plus protestante
que catholique.
Or ce texte n’a pas été fondamentalement modifié
depuis sa publication par Paul VI en 1970 . Substantiellement c’est
le même, le même dans sa troisième édition
que le Cardinal Medina publia voici un peu plus d’un an. ET
le Nouvel Ordo est toujours resté le même. Si l’on
revient à la cause des abus - ce qui est le cas - on ne supprimera
pas les abus. Je me permets de faire remarquer : Que valent les intentions,
si l’on respecte encore ce qui a engendré le «
désordre ». Je reconnais et applaudis, comme il le faut,
ce beau désir de réforme, mais déplore que l’on
maintienne et que l’on recourt encore à ce qui a engendré
la « mort » liturgique, la décomposition de la
« prière liturgique » dans l’Eglise.
Souvenez vous donc des critiques qu’un
groupe de théologiens et de pasteurs a présenté,
par les mains du Cardinal Ottaviani, au Souverain Pontife Paul VI
et que l’on a appelé le « Bref Examen Critique
»
Je ne peux pas ne pas vous citer les pages qui attiraient l’attention
du Pape sur cette idée du sacerdoce ministériel mis
à mal dans le Novus Ordo Missae ».
Souvenez-vous. Je vous donne juste
quelques passages concernant cette idée :
« Considérons enfin le
nouvel Ordo Missae du point de vue de l’accomplissement du Sacrifice
Les quatre éléments
qui interviennent dans cet accomplissement sont, par ordre : le Christ,
le prêtre, l’Eglise, les fidèles.
1.- Situation des fidèles dans
le nouveau rite.
Le nouvel Ordo Missae présente
le rôle des fidèles comme autonome, ce qui est manifestement
faux. Cela commence dans la définition initiale du numéro
7 : « La messe est la synaxe sacrée ou le rassemblement
du Peuple de Dieu ». Cela continue par la signification que
le n° 28 attribue au salut que le prêtre adresse au peuple
: « Le prêtre, par une salutation, exprime à la
communauté réunie la Présence du Seigneur. Par
cette salutation et par la réponse du peuple est manifesté
le mystère de l’Eglise assemblée ». Vraie
présence du Christ ? Oui, mais seulement spirituelle. Mystère
de l’Eglise ? Certes, mais seulement en tant qu’assemblée
manifestant ou sollicitant cette présence spirituelle.
Cela se trouve continuellement. C’est le caractère communautaire
de la messe qui revient constamment. Comme une obsession (n° 74
à 152). C’est la distinction, inouïe jusqu’à
présent, entre la messe avec peuple (cum populo) et la messe
sans peuple (sine populo) (n° 77à 231) . C’est la
définition de la « prière universelle »,
ou prière des fidèles » (n°45), (N. B. voir
mon commentaire sur ce sujet. Cliquez ici) où l’on souligne
encore une fois, « le rôle sacerdotal du peuple »
(Populus sui sacerdotii munus excercens) : ce sacerdoce est présenté
en l’occurrence comme s’exerçant de manière
autonome, par l’omission de sa subordination à celui
du prêtre ; et alors que le prêtre, consacré comme
médiateur, se fait l’interprète de toutes les
intentions du peuple dans le Te Igitur et dans les deux mémentos.
Dans la « Prière eucharistique
III » (Vere Sanctus, p. 123 de l’ordo Mussae) on va jusqu’à
dire au Seigneur : « Ne cesse pas de rassembler ton Peuple POUR
QUE (ut) du lever du soleil à son coucher une oblation pure
soit offerte en ton Nom ». Ce « POUR QUE (ut) donne à
penser que le peule, plutôt que le prêtre, est l’élément
indispensable à la célébration ; et comme il
n’est point précisé, pas même en cet endroit
qui est l’offrant, c’est le peuple lui-même qui
se trouve présenté comme investi d’un pouvoir
sacerdotal autonome. Dans ces conditions et selon ce système,
il ne serait pas étonnant que bientôt le peuple soit
autorisé à se joindre au prêtre pour prononcer
les paroles de la Consécration. En plusieurs endroits, d’ailleurs,
c’est déjà un fait accompli. (Il faut reconnaître
que l’instruction romaine se dresse aujourd’hui fortement
contre cet abus. Mais en maintenir le principe dans l’Institutio
Généralis, c’est maintenir le ver dans le fruit.
Il faut abolir le principe de l’abus pour espérer ne
plus avoir l’abus. Je ne veux plus l’abus ? Je le défends.
Mais je garde le « ver ». Alors ! Les abus reviendront
inéluctablement. Et dans 20 ans, il faudra encore pareille
sommation)
2.- Situation du prêtre dans
le nouveau rite.
Le rôle du prêtre est
minimisé, altéré, faussé.
Premièrement : par rapport
au peuple. Il en est le « président » et le «
frère », mais il n’est plus le ministre consacré
célébrant in persona Christi. (On ajoute aujourd’hui
dans l’instruction, il (le prêtre) préside «in
Persona Christi » n° 30 : « Dans la célébration
eucharistique, la grande responsabilité incombe surtout aux
prêtres auxquels il revient de la présider in Persona
Christi… »!!!)
Secondairement : par rapport à
l’Eglise. Il en est un membre parmi d’autres, un quidam
de populo. Au n° 55, dans la définition de l’épiclèse
( prière de la liturgie eucharistique sollicitant l’actiondu
Saint-Esprit sur les oblats), les invocations sont attribuées
anonymement à l’Eglise : le rôle du prêtre
s’évanouit.
Troisièmement : dans le Confiteor
devenu collectif, le prêtre n’est plus juge, témoin
et intercesseur auprès de Dieu. Il est donc logique que le
prêtre n’ait plus à donner l’absolution,
qui a été effectivement supprimée. Le prêtre
est intégré aux « frères » : l’enfant
de cœur servant la messe l’appelle ainsi dans le Confiteor
de la messe « sans peuple ».
Quatrièmement : déjà
la distinction entre la communion du prêtre et celle des fidèles
avait été supprimée. Cette distinction est cependant
chargée de signification. Le prêtre tout au cours de
la messe agit in persona Christi. En s’unissant intimement à
la victime offerte, d’une manière qui est propre à
l’ordre sacramentel, il exprime l’identité du Prêtre
et de la Victime ; identité qui est propre au Sacrifice du
Christ, et qui, manifestée sacramentellement, montre que le
Sacrifice de la Croix et le sacrifice de la messe est substantiellement
le même.
Cinquièmement : plus un seul
mot désormais sur le pouvoir du prêtre comme ministre
du sacrifice, ni sur l’acte consécratoire qui lui revient
en propre, ni sur la réalisation par son intermédiaire
de la Présence eucharistique. On ne laisse plus apparaître
ce que le prêtre catholique a de plus qu’un ministre protestant.
(Voilà ce qui est exprimé
dans le rite nouveau. Voilà ce qu’il faudrait changer.
Je reconnais, bien volontiers, - je le répète, et je
m’en réjouis - , que Rome s’élève,
avec force, aujourd’hui, contre cette idée. Mais le fait
que l’épiscopat français, par exemple, veuille
revenir toujours purement et simplement à « la Présentation
Générale de la Messe Romaine » (l’Institutio)
et que ce texte demeure substantiellement toujours le même,
- tel qu’il est bien analysé dans le Bref Examen Critique
- , il est à parier, que ce texte exercera toujours sa même
influence. C’est le rite lui-même de la Nouvelle Messe
qu’il faut changer en des parties importantes. Une déclaration
d’intention ne suffira pas. Il ne faut oublier l’axiome
: « Lex orandi, Lex credendi ».)
(La Sixième critique du Bref
Examen tombe aujourd’hui : il s’agit des ornements liturgiques.
Ce point a son importance ici. Les ornements symbolisent les vertus
du Christ dont le prêtre se revête lors de l’oblation
du sacrifice. Ces ornements sont bien des signes de conformation du
prêtre au Christ. L’instruction liturgique « Redemptionis
Sacramentum » en rappelle l’obligation. C’est le
numéro 123 . «Le vêtement propre au prêtre
célébrant, pour la Messe et pour les autres actions
sacrées en liaison immédiate avec la Messe, est la chasuble,
à moins que ne soit prévu un autre vêtement à
revêtir par-dessus l’aube et l’étole».[213]
De même, lorsque, conformément aux rubriques, le prêtre
revêt la chasuble, il ne doit pas omettre de porter l’étole.
Tous les Ordinaires doivent veiller à ce que tout usage contraire
soit supprimé.”
Mais ce même texte cite en note
le texte de l’Institutio Generalis, les numéros 330 .
Mais le numéro 298 affirme bien que dans certains cas l’aube
et l’étole suffisent. On en revient bien à la
note six du Bref Examen critique : “l”usage de nombre
d’ornements est aboli ou rendu facultatif: dans certains cas
l’aube et l’étole suffisent.” (Fin de cette
longue citation)
Je me permets d’ajouter : Va-t-on
garder inchangées les affirmations de “l’Institutio
Generalis” sur la notion de sacrifice, sur la notion de la Prsence
réelle? Va-t-on maintenir non corrigé le rite lui-même?
Vraiment je reste perplexe sur l’efficacité de cette
restauration, de cette “reforme de la réforme”
tellement désirée par le Cardinal Ratzinger et par le
cardinal Stickler.
Conclusion
Aussi je conprends assez bien le ton
serein des commentateurs du journal “La Croix”. Ils craignaient
le pire. Tout compte fait, cette reforme les laisse en paix.
Yves Pitette écrit : «
rien de la liturgie renouvelée par le Concile couramment observée
en France n’est remis en cause et il n’y a pas non plus
de concession particulière qui soit consentie aux courants
les plus traditionalistes ». Ouf !
Ou encore : « Le message est
clair : l’Eucharistie se situe au cœur de la foi et chaque
prêtre n’est pas libre de la célébrer selon
son bon plaisir. Mais pour le plus grand nombre, il n’y a rien,
dans cette instruction, susceptible de déchaîner des
tempêtes » Ouf !.
Michel Kubler écrit lui aussi
: « Rome redit ce qu’il faut faire ou éviter «
lorsque l’Eucharistie est célébrée ».
« Il n’y a là rien de neuf, mais le rappel des
dispositions parfois ignorées oubliées ou négligées.
Pas de quoi fouetter un liturge… »
Et Mgr Le Gal lui-même exprime
même apaisement : « il ne s’agit ni d’un «
coup de balai » disciplinaire, ni d’un retour en arrière
mais de revenir aux sources même du Concile Vatican II …comme
la Présentation Générale du Missel romain, dont
les évêques français préparent actuellement
la traduction de la troisième édition».
Il ne s’agit pas d’un
« coup de balai », dit Mgr Le Gal. Soit ! Pourvu qu’il
ne s’agisse pas encore d’un « coup d’épée
dans l’eau ».
Je le crains. Je le crains d’autant
plus quand je lis la conclusion de l’article de Michel Kubler,
dans la Croix du 26 avril : « Une question reste cependant ouverte,
une fois ce rappel des normes effectué… Cette question
est celle du caractère vivant de la liturgie du peuple de Dieu
: vivant, donc en perpétuel mouvement, dans l’espace
et le temps. D’où la tension inhérente à
toute Eucharistie : célébrer le Sacrifice du Christ
se donnant en partage pour la vie du monde et le manifester avec des
mots et des gestes qui puissent être perçus par chacun.
Il y a le mystère intangible « de toujours » et
sa célébration –Parole et Pain – «
de ce jour ». Le rappel des normes existantes ne dispense pas
un travail permanent – comme le Concile le fait- pour inscrire
ce mystère éternel dans la diversité et l’évolution
des expressions culturelles ».
Les adaptations, les évolutions
liturgiques ne sont donc pas finies… Elles sont non seulement
probables et possibles, mais nécessaires. Car tout change et
bouge, même les « expressions culturelles ». Surtout
les « expressions culturelles ».
Et ce n’est certainement pas
la note 39 de l’instruction liturgique : « Redemptionis
Sacramentum », et sa rédaction qui va freiner, retenir,
limiter, ordonner ce désir, résolument exprimé,
d’adaptations constantes pour « inscrire ce mystère
éternel -la Pâque - dans la diversité et l’évolution
des expressions culturelles ».
Jugez vous-même : « 39
- ….un large espace est laissé à une liberté
d’adaptation opportune, qui est fondée sur le principe
que chaque célébration doit être adaptée
aux besoins des participants, ainsi qu’à leur capacité,
leur préparation intérieure et leur génie propre,
selon les facultés établies par les normes liturgiques.
Dans chaque célébration, il existe d’amples possibilités
d’introduire une certaine variété dans le choix
des chants, des mélodies, des oraisons et des lectures bibliques,
ainsi que dans le cadre de l’homélie, dans la préparation
de la prière des fidèles, dans les monitions qui sont
parfois prononcées, et dans l’ornementation de l’église
en fonction des temps liturgiques. Ces éléments doivent
contribuer à mettre en évidence plus clairement les
richesses de la tradition liturgique, et, tout en tenant compte des
nécessités pastorales, à conférer avec
soin une connotation particulière à la célébration,
dans le but de favoriser la participation intérieure. Cependant,
il faut se souvenir que l’efficacité des actions liturgiques
ne réside pas dans les changements fréquents des rites,
mais en vérité dans l’approfondissement de la
parole de Dieu et du mystère célébré »
Et vogue la galère ! Mais quand
donc ces « modernistes » quitteront le bateau ?
Abbé Paul Aulagnier.