Homélie
du cinquième dimanche après Pâques
« Avec des cris de joie, publiez-le,
alléluia ; faites-le savoir jusqu’aux extrémités
de la terre, le Seigneur a racheté son peuple, alléluia,
alléluia. Acclamez Dieu terre entière ; chantez la
gloire de son nom ; rendez-lui honneur et louange ».
« Vocem jucunditatis annuntiate
et audiatur, alleluia : annuntiate usque ad extremum terrae ; liberavit
Domunus populum suum, alleluia, alleluia. Jubilate Deo omnis terra,
psalmum diciye nomini eius ; date gloriam laudi eius ».
Vous noterez, je pense, l’accent
particulièrement joyeux de l’Introït de ce 5 ème
dimanche après Pâques que vous venez de lire ainsi
que les « alléluia » répétés.
Le chant de l’Offertoire fait également écho
à cette allégresse surnaturelle ; « Nations,
Bénissez le Seigneur Notre Dieu ; faites retentir sa louange
», « Obaudite vocem laudis eius » « Il a
gardé notre âme en vie, et n’a pas laissé
nos pieds trébucher ».
L’Eglise continue, de dimanche
en dimanche, de chanter sa joie pascale - C’est le thème
dominant, vous le savez, de ces dimanches qui suivent Pâques
- Elle en cherche les raisons, les motifs.
Et tout d’abord, avec moi,
voyez exprimé, de nouveau, le thème de la joie, de
l’acclamation joyeuse. C’est le thème particulièrement
soutenu de cette messe.
C’est l’accent de l’Introït
: « Vocem jucunditatis annuntiate », « Annoncez
une parole de joie ».
Le mot latin est « jucunditas ». Il signifie «
l’amabilité », « l’enjouement »,
« l’agrément de la vie ». « Jucundus
», l’adjectif, exprime : ce qui plait, ce qui est «
agréable », « serviable », « obligeant
», « dévoué ». Ces mots expriment
une certaine élégance. « Annuntiate usque ad
extremum terrae … « Annoncez, jusqu’aux extrémités
de la terre, la bonne nouvelle: à savoir que « le Seigneur
libéra son peuple », « Liberavit Dominus populum
suum ».
On retrouve ici l’annonce
de l’ange Gabriel aux bergers de la nuit de Noël, à
Bethléem. A Bethléem, l’annonce fut particulièrement
joyeuse : « Ne craignez point. Car je vous annonce une nouvelle
qui sera pour tout le peuple une grande joie. Il vous est né
aujourd’hui, dans la vile de David, un Sauveur qui est le
Christ, le Seigneur ». (Lc 2 10)
Ici, dans cet introït, on parle aussi de l’annonce de
la libération du peuple, l’annonce du Sauveur. La libération,
ici annoncée et là réalisée, est occasion
et source de joie, d’acclamation, raison de bénédiction.
Et le chant de l’Introït
se poursuit : « Jubilate Deo, omnis terra ». «
Acclamez, Jubilez en Dieu, toute la terre. C’est encore la
joie exprimée. « Psalmum dicite nomine eius ».
« Dites des psaumes en son nom ». Et le chant des psaumes
est toujours quelque chose de joyeux. Et de fait, l’âme
triste, ou mieux attristée par quelques mauvaises nouvelles
doit faire effort pour psalmodier. « Date gloriam laudi eius
» « Rendez lui louange et gloire ».
Dans le chant de l’Alléluia
de cette messe, c’est toujours le même sentiment exprimé.
L’Alléluia connote la joie. Il est de la nature de
l’Alléluia d’exprimer la joie. Les mélodies
qui illustrent les « alléluia » sont toujours
pleines de joie, de fraicheur, d’allégresse. Souvenez-vous
de l’ « Alléluia pascal » !
Et les « alléluia »
vont préciser les raisons de la joie extériorisée.
Mais le chant de l’Offeroire
est encore plus clair sur le thème de la joie.
« Benedicite, gentes, Dominum
Deum nostrum »,. « Bénissez le Seigneur, notre
Dieu ».
« Obaudite vocem laudis eius », ce que l’on pourrait
traduire tout simplement par : « Chantez sa louange.
»Benedixtus Dominus » « Béni soit le Seigneur
». « Benedictus qui venit in nomine Domini »,
« Bénit celui qui vient au nom du Seigneur ».
C’est le chant du Sanctus de notre messe. Un chant joyeux,
un chant d’acclamation. C’est le chant du jour des Rameaux,
Jésus entrant dans Jérusalem.
La répétition des
mots joyeux montre bien que le thème essentiel du temps pascal
est la joie.
C’est la joie calme et sereine
de la nuit pascale.
C’est la joie calme et sereine, une joie théologale,
de la nuit pascal, particulièrement bien exprimée
dans l’hymne à la lumière, dans le chant de
l’Exultet, au cierge pascal.
Et nous abordons alors avec le chant
de l’Exultet et nous trouverons la raison de cette joie pascale,
ses motifs.
L’Exultet ! Mais c’est
un chant poétique, plein d’allégresse.
« Exultez troupe céleste
des anges », rayonnez de joie
« Sonnez la victoire d’un si grand Roi », la victoire
de sa résurrection
« Exulte, toi aussi, terre
entière. Tu le vois, l’univers est libéré
de ses ténèbres » …par la lumière
de Pâques, par la lumière du Ressuscité
« Eglise, notre Mère,
laisse éclater ta joie : la splendeur d’une telle lumière
t’embellit… ». Le Ressuscité est cette
lumière qui embellit toute chose.
« Il est celui qui a payé,
au Père éternel, la dette d’Adam ». Il
est la rançon de notre salut, de notre libération.
Il est notre justice. Il a fait justice. Il a rendu le « du
», « notre du », à Dieu le Père,
par son holocauste, sa Passion. Le « du » de notre soumission,
de notre suggestion. Oui ! Car « à Dieu est du tout
honneur et toute gloire ».
De son sang, il a lavé le vieux péché du monde.
De son sang, il s’est fait notre protecteur, notre libérateur.
Il est le sang de l’Agneau immolé, protecteur des enfants
d’Israël. « De son sang, il protège et sanctifie
les portes des croyants ».
Il est la « lumière », la « colonne de
feu », des enfants d’Israël. Il est le bon Pasteur
…qui nous a arrachés à l’esclavage du
Pharaon, à l’esclavage du monde et du péché.
Dans ce chant de l’Exultet,
- relisez-le de temps en temps -, il y a cette acclamation merveilleuse
: « A quoi nous servirait d’être nés si
nous n’étions pas rachetés ». Notre naissance
serait-elle pour les enfers… Non point ! Non point !
Cette naissance, finalement, est pour le ciel…grâce
au sang versé de l’Agneau de Dieu. Cette naissance
est pour la lumière. Cette naissance est pour l’éternelle
joie grâce au sang versé de l’éternel
Agneau. Cette naissance est pour le beau éternellement contemplé
grâce au sang versé du bel Agneau. Cette naissance
est pour le bien éternellement possédé, aimé,
contemplé… grâce au sang de cette Agneau digne
de reconnaissance.
« O beata nox ». “O
felix culpa”. “O bienheureuse nuit” qui voit le
triomphe du Ressuscité. « O bienheureuse faute »…
qui nous vaut un si noble et puissant rédempteur.
De l’esclavage, il n’y a plus.
Du péché, il n’y a plus.
Du démon vainqueur, il n’y a plus.
La sainteté de cette nuit chasse les crimes, lave les péchés,
rend l’innocence aux déchus et la joie aux malheureux.
Elle dissipe les haines, apporte la paix et soumet les empires.
« O nuit vraiment bienheureuse,
qui ruine les Egyptiens et enrichit les Hébreux ».
« Nuit où le Ciel s’unit à la terre, où
Dieu s’unit à l’homme ».
Or ce thème du cierge pascal
est repris, précisément, dans l’ « Alléluia
» de cette messe : « Alléluia Alléluia
; surrexit Christus… »
C’est le premier motif de
la joie chrétienne.
La justice est satisfaite à
son égard. Humilié par amour, par obéissance
à la volonté de son Père, il fallait cette
Exaltation. Il fallait cette Exaltation après un «
pareil » combat. Elle est réalisée par sa Résurrection
d’entre les morts
« Alléluia ! Alléluia
: illuxit nobis ».
C’est le deuxième motif
de la joie chrétienne. « Illuxit » vient d’illucescere.
Ce verbe veut dire : « commencer à faire jour, à
briller. Dans ce verbe , il y a le mot « lux » , lumière.
La Christ « ressuscité » nous a illuminé.
Il nous a éclairé de sa lumière. Notre missel
« français » traduit finalement : « Sa
gloire a rejailli sur nous » - ce n’est pas faux- comme
la lumière du soleil a éclairé la nuit en donnant
le jour.
« Quos redemit sanguine meo
» , « Nous qu’il a racheté de son sang
». Son sang est notre rachat, notre rançon. C’est
bien le thème de la Nuit Pascale qui est ici rappelé.
Enfin le troisième thème
qui annonce l’Ascension est repris toujours dans notre «
Alléluia ».
« Alléluia ! Alléluia
: exivi a Patre et veni in mundum et vado ad Patrem.. » «
Je suis sorti du Père et suis venu dans le monde ; maintenant
je quitte le monde et je retourne à mon Père »,
ma mission accomplie.
Les mystères divins sont
bien les motifs de joie de l’âme chrétienne contemplative.
Oui ! le mystère pascal,
le mystère de l’Incarnation, le mystère de la
Rédemption, le mystère de la Résurrection,
le mystère de l’exaltation du Verbe incarné,
tout ce mystère pascal - la Pâque – -un passage
– qui a fait tout ce bien, est raison de joie, source de joie.
Voilà où le catholique tire sa patience dans l’adversité.
Voilà où les martyrs tirent leur constance dans leurs
souffrances. Cette « mystique » est la source du profond
équilibre de « l’homme de Dieu ».
Tout ce mystère pascal est
le mystère de Dieu, contenu en Dieu, révélé
un jour pour toujours, gardé par l’Eglise et proposé
par l’apostolat à l’intelligence des humains.
Il exprime l’amour divin. Il est Dieu. Dès lors puisque
que le nom de Dieu évoque tout cela, tout ce mystère
pascal, le nom de Dieu, à lui seul, dans cette relation au
mystère pascal, est la raison de la joie chrétienne.
Et voilà pourquoi, dans le chant de l’Offertoire de
cette messe, l’Eglise a choisi le psaume 65 : « Benedicite,
Gentes, Dominum Deum nostrum ». « Nations, Bénissez
le Seigneur, notre Dieu ».
Ce nom de Dieu est ainsi, à
lui seul,
adorable et aimable,
digne de louange et de gloire,
digne d’acclamation,
digne de service,
digne d’amour,
digne d’adoration,
digne de joie,
digne de respect
parce qu’il est toute miséricorde,
parce qu’il a manifesté sa miséricorde et sa
justice dans ce mystère pascal.
« Quia non amovit …misericoriam
suam a me ». « Parce qu’il n’a pas éloigné
de moi sa miséricorde ». « Amovere » veut
dire : écarter, éloigner, bannir, reléguer.
« Il n’a pas écarté ni éloigné
ni banni sa miséricorde de moi »
Voilà la grande raison de
la jubilation chrétienne. La raison de l’équilibre
psychologique du chrétien. Voyez encore Sainte Thérèse
de l’Enfant Jésus s’exprimer dans son poème
: « Ma Paix et ma Joie ». Elle y exprime sa joie profonde
et sa source
Il est des âmes sur la terre
Qui cherche en vain le bonheur ;
Mais, pour moi, c’est tout le contraire.
La joie habite dans mon cœur.
Cette fleur n’est pas éphémère,
Je la possède sans retour ;
Comme une rose printanière,
Elle me sourit chaque jour ».
…
Lorsque le ciel bleu devient sombre,
Et qu’il semble me délaisser,
Ma joie est de rester dans l’ombre,
De me cacher, de m’abaisser.
Ma paix, c’est la volonté sainte
De Jésus, mon unique amour :
Ainsi je vis sans nulle crainte ;
J’aime autant la nuit que le jour.
Voilà la vraie source de
vie. La vie divine.
Source de joie.