Paroisse catholique Saint Michel

Dirigée par

 Monsieur l'abbé Paul Aulagnier

 

Membre de la FSSPX

06 80 71 71 01

 

 

Semaine du 18 janvier 2004 au 24janvier 2004

Deuxième dimanche après l'Epiphanie

 

Bonne et Sainte Année 2004 à tous

Aux nouveaux paroissiens de Saint Michel

Que le Bon Dieu vous protège

Et que tous justifiés par la grâce divine

Grandissions dans l'espérance joyeuse de la vie éternelle.

 

Présentation

 

 

La Providence permettant que je sois, pour l’instant, libre de toutes responsabilités paroissiales et en attendant  de retrouver un apostolat plus traditionnel, j’ai imaginé lancer cette initiative : la création d’une paroisse catholique sur la « toile ».

 

Pourquoi pas ?

 

Certes je ne pourrai donner les sacrements. Je pourrai toutefois donner l’enseignement classique que tout curé doit donner. Tous les dimanches, je vous enverrai une homélie, comme tout curé doit le faire auprès de ses paroissiens. Avec cette homélie, vous recevrez une leçon de catéchisme, comme tout curé doit encore faire. Il y aura deux leçons : une leçon de dogme et une leçon de morale. Je puiserai à la meilleure des sources : Saint Thomas. J’utiliserai le résumé du Père Pégue O .P., si louangé par Saint Pie X, et pour ceux qui seront un peu plus curieux, je joindrai les commentaires qu’il fait de la somme de Saint Thomas. Il suffira de cliquer sur la question de la somme, alors, vous apparaîtra  le commentaire du Révérend Père.

 

Enfin, il n’existe pas de vraie paroisse sans  annonces. Elles seront constituées, entre autres, de quelques nouvelles romaines. C’est ainsi que vous pourrez lire aujourd’hui, dans ce premier envoi, l’interview que le Cardinal Ratzinger donna quelques jours avant Noël à Radio Vatican. Je l’ai trouvé intéressant.

 

Chaque semaine, il y en aura aussi pour vos enfants.  Il n’y a pas, il est vrai, de paroisse sans enfants, surtout dans le milieu de la Tradition. Je vous adresserai alors les chapitres de la « Miche de Pain ». Il vous sera loisible alors de faire travailler gentiment vos enfants, le dimanche après midi, au lieu de les laisser devant la Télévision des heures entières, pendant que les grandes personnes discutent doctement, du moins dans les familles bourgeoises. Je commencerai avec la première année. C’est charmant et frais de présentation. Dans mon enfance, j’y ai passé des heures à regarder les images et lire les textes. Vous ne trouverez pas mieux, avec les dessins originaux. Un peu vieillot.  Ce qui en fait la fraîcheur.

 

Je tiendrai également des permanences régulières. Il suffit que vous m’adressiez vos questions par é-mail, je vous répondrai comme si vous étiez devant moi, aussi vite. Et si je suis débordé par l’importance de vos questions, je saurai me faire aider. Croyez-moi. Vous avez en page de garde mon émail. Alors n’hésitez pas ! Vous ne serez pas obligé de vous déplacer pour consulter. Ce sera toujours du temps  gagné. C’est important. Je vous assure la confidentialité de l’affaire !

 Une boite de dialogue sera installée en bas de page, en fin de chapitre. Il vous suffira, là aussi, de « cliquer » pour manifester vos réactions : critiques et encouragements, et surtout suggestions.

 

Le curé de cette paroisse virtuelle , c’est Monsieur l’abbé Paul Aulagnier. Vous devez connaître ! Si l’expérience marche. Je saurai, vous dis-je, m’entourer de vicaires. de bons.

 

Abbé Paul Aulagnier

 

 

 

 

Sommaire

 

 

Le Miracle de Cana.

Evangile selon Saint Jean :

« En ce temps là, il y eut des noces à Cana de Galilée, et la mère de Jésus était là. Jésus aussi fut invité aux noces, ainsi que ses disciples. Le vin des noces venant à manquer, la mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont plus de vin. » Jésus lui répondit : « Femme, qu’y a-t-il entre toi et moi ? Mon heure n’est pas encore venue ». Sa mère dit aux serviteurs : « Faites tout ce qu’il vous dira ». Or il y avait là six jarres de pierre, destinées aux purifications des Juifs, et contenant chacune deux ou trois mesures. Jésus dit aux serviteurs : « Remplissez d’eau les jarres. Et ils les remplirent jusqu’en haut. Il leur dit : « Puisez maintenant, et portez en au maître du repas ». Ils lui en portèrent. Le maître du repas goûta l’eau changée en vin, et il ne savait pas d’où venait ce vin, mais les serviteurs le savaient, eux qui avaient puisé l’eau. Il appelle donc l’époux et lui dit : « tout le monde sert en premier le bon vin, puis, quand on est enivré, le moins bon. Toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant ! » Tel fut le premier signe que Jésus accomplit ; il le fit à Cana de Galilée ; il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui ». (Jn 2,1-11)

Vous venez de lire une bien étonnante réponse de la part de Notre Seigneur Jésus-Christ à sa Mère : « Femme qu’y a-t-il entre Toi et Moi ».

Il est invité à des noces, à Cana, en Galilée. « La mère de Jésus y était. Le vin vint à manquer. La mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont plus de vin ». Et Jésus, de lui dire : « Femme, qu’y a-t-il entre Toi et Moi » « Quid mihi et tibi est mulier ».

Etonnante réponse ! Non !

Enfin ! Tout de même ! Elle est sa mère. Saint Jean le dit explicitement et à deux reprises. « La mère de Jésus y était » et « la mère de Jésus lui dit… ».

Vous ne pouvez nier le « dire » de l’Evangéliste. Marie est bien la mère de Jésus. Il dit bien la vérité. Alors, entendre Jésus lui répondre : « Femme qu’y a-t-il entre Toi et Moi »… Cela surprend.

Comme vous y allez ! Imaginez, Mesdames, que votre fils, un jour, vous dise cela : « Femme, qu’y a-t-il entre vous et moi » ? Imaginez !

Pardit ! Qui t’a mis au monde ? Qui t’a nourri ? Qui t’a élevé ? Qui t’a appris à marcher ? Qui t’a porté. Qui t’a éduqué ? Qui t’a donné le sein ? Qui t’a soigné ? Rien entre vous et moi ? Alors, si l’enfant avait l’age : « petit impertinent » ! Allez au coin. Rien entre vous et moi !Allez au coin ! Demandez pardon !

Et bien sur, nous explique Saint Augustin, sur ce passage de l’évangile : les hérétiques en ont profité pour nier l’humanité, la véritable humanité de NJSC. Elle ne peut pas être sa mère, celle à qui il a dit : « Mulier » « qu’y a-t-il entre Vous et moi » ? Ce ne sont pas, là, des paroles d’un fils à sa mère. Ergo. Le Christ n’a pas eu une véritable chair. Sa chair n’est qu’apparence.

Ce sont les docètes, les manichéens qui soutenaient cela.

Cette déclaration de Jésus « Femme, qu’y a-t-il entre Toi et Moi » empêche d’ajouter foi , de croire, aux ascendants terrestres qu’on voulait lui prêter. Que le Christ ait eu une chair véritable, ce n’était au contraire qu’apparence. Mais si la chair du Christ était fausse, alors fausse sa mort. Fausses, les plaies de la Passion. Alors fausses, les cicatrices de sa Résurrection.

Alors Le Christ ne s’est manifesté aux hommes, avec une chair, seulement apparente. Et s’il a pu nous parler, c’est de la même manière que les anges qui se sont fréquemment montrés sous des apparences humaines. Mais rien de réel dans son humanité. Jésus n’a pas eu de femme pour mère. Comment aurait-il pu dire autrement : « Femme qu’y a-t-il entre Toi et Moi ».

Et de fait, il ne serait pas digne, pensaient les docètes, que Dieu soit né d’un sein de femme. Une telle naissance représenterait trop de honte, trop d’indignité, pas assez de noblesse. « Natum ex femina turpiter ». Par l’horreur de la chair, les voilà dans les pièges du Démon, l’auteur du mensonge : dans l’erreur.

Et pourtant, cette phrase : « Quid mihi et tibi est mulier », semble donner quelques raisons à cette hérésie. N’avait-il pas dit aussi « qu’il n’était pas de ce monde » (Jn 8 23). Même « qu’il procédait de Dieu, le Père (Jn 8 2). « Qu’il était descendu du Ciel » (Jn 6 42). « Qu’il n’avait pour mère et pour père que ceux qui font la volonté de son Père qui est dans les cieux ». Toutes ces phrases de Jésus, jointes à cette dernière phrase de ce récit évangélique de ce dimanche, peuvent donner l’impression que le manichéisme et le docétisme sont doctrines véridiques et qu’elles procèdent du vrai.

Qu’en est-il ? Que faut-il répondre ? Qu’elle est le sens de cette phrase ?

« Femme qu’y a-t-il entre Toi et Moi ».

Avoir bonne intelligence de cette phrase n’est pas sans intérêt pour résister à l’hérésie et confesser la vraie foi en NSJC, vrai Dieu et vrai Homme.

Car c’est cela précisément que nous révèle cette phrase étonnante : la véritable divinité de notre Seigneur et sa véritable humanité. C’est l’interprétation des pères de l’Eglise, de Saint Augustin, en particulier.

Suivez le raisonnement de Saint Augustin.

Et tout d’abord : l’affirmation de la foi de Saint Augustin contre Faustre, l’auteur de l’hérésie manichéenne.

« En le Christ, tu dois tout considérer comme vrai. Vrai Verbe : Dieu égal au Père. Mais aussi vraie âme, vraie chair, vrai Homme, vrai Dieu, vraie naissance, vraie passion, vraie mort, vraie résurrection…. Si tu déclares faux un seul de ces points, la pourriture s’infiltre en toi, et du venin du serpent naissent les vers des mensonges et rien ne demeurera intact ». Ce n’est pas tendre ! En période œcuménique…c’est à lire !

Cette foi étant affirmée en la vraie humanité, en la vraie divinité, Saint Augustin cherche la signification de cette parole du Christ : que signifie cette parole du Seigneur : « Femme qu’y a-t-il entre Toi et Moi » ?

Il est claire, nous dit Saint Augustin, qu’elle confond l’hérésie. L’hérétique dit : « Jésus n’a pas eu de femme pour mère… parce qu’il a dit : « Femme qu’y a-t-il entre Toi et Moi » ?

Qui l’a dit ? Jean l’Evangéliste. Bien ! Mais Jean l’Evangéliste a dit aussi, le même : « la Mère de Jésus était là ». Voici son récit : « le jour suivant, il se fit des noces à Cana de Galilée et la mère de Jésus était là ».

Nous tenons ainsi deux affirmations provenant de l’Evangéliste : « la mère de Jésus était là », c’est l’Evangéliste qui le dit et ce que Jésus répondit à sa mère, c’est le même Evangéliste qui le dit.

Remarquez bien comment Saint Jean note que c’est à sa mère que Jésus a répondu : car il écrit d’abord : « sa mère lui dit ». Donc au témoignage du même Evangéliste, il est écrit : « la mère de Jésus était là » et « sa mère lui dit ». De qui est ce récit ? De Jean l’Evangéliste. Et quelle fut la réponse de Jésus à sa mère : « Femme qu’y a-t-il entre Toi et Moi » ?

Qui nous rapporte cette réponse ? Toujours le même Jean Evangéliste.

Mais pourquoi n’a-t-il pas dit plutôt : « Marie était là » et « Marie lui dit ». Mais il rapporte l’un et l’autre : « Sa mère lui dit » et Jésus lui répondit : « Femme qu’y a-t-il entre Toi et Moi ».

Pourquoi cela ? Sinon parce que l’un et l’autre sont vraie ? Et que Marie est la mère de Jésus et que Jésus a vraiment dit : « Femme qu’y a-t-il entre Toi et Moi » ?

Les hérétiques, au contraire, eux, veulent bien croire l’Evangéliste quand il dit que Jésus dit à sa mère : « Femme qu’y a-t-il entre toi et moi » ? Mais ils refusent de croire le même évangéliste quand il dit : « la mère de Jésus était là » et « sa mère lui dit ».

Ce n’est pas raisonnable. Où je nie le tout. Où je crois le tout. Je crois autant à la phrase : « la mère de Jésus était là » qu’à la phrase de Jésus à sa mère : « Femme qui y a-t-il entre Toi et Moi » ?

Pourquoi ?

Je vous interroge.

La mère de Jésus était-elle là ? Vous répondez : elle y était.

Comment le savez-vous ? Vous répondez : C’est l’Evangile qui le dit.

Comment Jésus a-t-il répondu à sa mère ?

Vous répondez : « Femme qu’y a-t-il entre toi et moi ? »

Comment le savez vous : C’est l’Evangile qui le dit.

Alors les hérétiques sont pris à défaut. Si nous leur demandons : comment savez-vous que le Christ a dit : « Femme qu’y a-t-il entre toi et moi » ? ils s’en rapportent à l’Evangile. Pourquoi alors ne croient-ils pas l’évangéliste qui déclare de la même manière : « La mère de Jésus était là » et encore « sa mère lui dit ». Comment peuvent-ils croire que Jésus a dit : « Femme qu’y a-t-il entre toi et moi » ?

Ou je nie le tout ou je crois le tout. Je ne peux pas trier entre ce qui me plait et ce qui ne me plait pas. Ou j’accepte le témoignage de Jean ou je le nie. Mais je ne peux pas accepter une phrase et rejeter l’autre. Le témoignage est formel et il m’oblige à croire que le Seigneur a ainsi répondu non pas à une étrangère mais à sa mère. Car si ce n’est pas à sa mère que Jésus a ainsi répondu, il accuse de mensonge l’évangéliste lui-même, d’après lequel, toutefois, il croit que le Christ a ainsi répondu.

Ceci m’oblige à chercher pourquoi, cependant, Jésus a ainsi répondu à sa mère.

Cette réponse, il est vrai, est surprenante.

Voilà encore la réponse de Saint Augustin.

Pourquoi NSJC a fait cette réponse à sa mère ?

Voilà le mystère éclairé.

« Par un privilège unique, il est né du Père sans avoir de mère et né de sa mère sans avoir de père : Dieu sans mère. Homme sans père ».
Sans mère, avant tous les temps. Sans père, à la fin des temps Notre Seigneur est à la fois Dieu et Homme. Selon qu’il était Dieu, il n’avait pas de mère. Selon qu’il était Homme, il en avait une. Elle était donc la mère de sa chair, la mère de son humanité, la mère de cette faiblesse humaine qu’il avait prise (d’elle) à cause de nous (l’unité de « personne » dans le Christ ne supprime pas la distinction des natures. C’est l’unique « personne » qui agit, mais chaque nature garde ses opérations propres. Saint Augustin s’exprime ici par rapport aux natures et c’est pourquoi il attribue à chacune ses opérations respectives). (1)

Or le miracle qu’il allait faire, poursuit Saint Augustin, il le ferait selon sa divinité et non selon la faiblesse de sa nature humaine ; selon qu’il était Dieu et non selon qu’il était né dans cette faiblesse. Sa mère donc réclame un miracle. Et Lui semble méconnaître les entrailles humaines au moment où il va opérer une action divine.

Il semble lui dire : « Ce qui, en Moi, fait le miracle, tu ne l’as pas enfanté, tu n’es pas la mère de ma divinité. Mais parce que tu as mis au monde ma faiblesse, je te reconnaîtrai lorsque cette faiblesse sera pendue à la croix… Il la reconnut, en effet, alors qu’Il mourait sur la croix, alors que mourait ce qu’elle avait enfanté…Car ce qui mourait alors, était ce qui avait été formé de Marie…Mourait la faiblesse de la chair… qui venait d’ elle… C’est pourquoi après avoir dit : « Femme qu’y a-t-il entre Toi et Moi », il ajoute aussitôt, selon l’Evangile, « mon heure n’est pas encore venue », car, en cette heure, l’heure de la croix, c’est la faiblesse de la chair, qui vient de sa mère Marie, qui pâtira…

Dès lors, parce qu’elle n’était point la mère de sa divinité et parce qu’Il allait opérer par sa divinité, le miracle qu’elle demandait, Il lui répondit : « Femme qu’y a-t-il entre Toi et Moi ».

Mais pour ne pas te laisser croire que Je te renie pour ma mère : « Mon heure n’est pas encore venu, alors, en effet, je te reconnaîtrai dés que cette faiblesse dont tu es la mère sera attaché à la croix ».

Quand, en effet, le Seigneur subissait sa Passion, ce même évangéliste qui connaissait la mère du Seigneur et qui, même en ces noces nous a montré la mère du Seigneur, raconte : la mère de Jésus était là, auprès de la croix et Jésus dit à sa mère : « Femme, voici ton fils » et au disciple : « Voici ta mère ». Il confie sa mère au disciple. Il confie sa mère, Lui qui allait mourir avant sa mère et ressusciter avant la mort de sa mère : c’est un Homme qui confie à un homme (Saint Jean) cette fille des hommes. C’était là ce que Marie avait enfanté. Alors était venue cette heure dont il avait dit, à Cana : « Mon heure n’est pas encore venue ».

Alors, tous, confessons la foi de l’Eglise enseignée au Concile de Chalcédoine :

« A la suite des saints Pères, nous enseignons donc tous unanimement à confesser un seul et même Fils, NSJC, le même parfait en divinité et parfait en humanité, le même vraiment Dieu et vraiment homme, composé d’une âme raisonnable et d’un corps, consubstantiel au Père ( et non point comme l’Eglise « conciliaire » continue à le faire dire : « de même nature) selon la divinité, consubstantielle à nous selon l’humanité, « en tout semblable à nous sauf le péché »(Hb 4 15). Avant les siècles, engendré du Père selon la divinité consubstantielle, et, né en ces derniers jours, né pour nous et pour notre salut, de Marie, la Vierge, mère de Dieu, selon l’humanité. Un seul et même Christ Seigneur, Fils unique, que nous devons reconnaître en deux natures, sans confusion, sans changement, sans division, sans séparation. La différence des natures n’est nullement supprimée par leur union, mais plutôt les propriétés de chacune sont sauvegardées et réunies en une seule « personne » et une seule « hypostase ». Il n’est ni partagé ni divisé en « deux personnes », mais il est un seul et même Fils unique, Dieu Verbe, Seigneur Jésus-Christ, comme autrefois les prophètes nous l’ont enseigné de lui, comme lui-même Jésus-Christ nous l’a enseigné, comme les Symboles des Pères nous l’a fait connaître ».

Ce texte se lit à genoux et dans l’adoration.


Communautarisme et laïcisme : pour sortir de l'aporie

De son (mauvais) point de vue laïciste, Eddy Khaldy, responsable du secteur laïcité-liberté au sein de l'UNSA (ex-FEN), pose bien le problème du communautarisme à propos de l'école et de l'intégration éventuelle de Diwan (l'école spécifiquement bretonne) dans le service public :

« Si on fait éclater le service public en plusieurs services publics sur la base d'une appartenance linguistique ou religieuse, on débouche sur le communautarisme, et c'est la fin de la laïcité républicaine ».

Mais en quoi un communautarisme serait-il condamnable s'il est explicitement ordonné au bien commun national ? N'y a t-il pas aussi place temporelle pour plusieurs demeures dans l'« Education nationale » comme dans celle de la Maison de France ? Si le communautarisme est la reconnaissance par l'Etat de certaines communautés et l'adoption d'un certain comportement à leur égard, il faut bien comprendre qu'il y a :

— des communautés légitimes, naturelles ou artificielles, de droit inné ou acquis, qui répondent diversement au bien commun national, par exemple le peuple corse, les Portugais ou les Tunisiens habitant en France, la communauté des harkis, un club de joueurs de pétanque... ;

— des communautés illégitimes, toujours artificielles ou contre-nature, parce que fondées sur un désordre moral ou religieux, par exemple la mafia, le lobby homosesexuel, la secte du temple solaire...

La diversité linguistique, culturelle, folklorique des différentes provinces n'est pas plus nuisible à la France que la pluralité des couleurs à la lumière :

« Oui à la diversité, écrit Soljénitsyne (dans Les pluralistes), ce sont les couleurs de la vie, nous avons soif d'elles, nous n'imaginons pas la vie sans elles. Mais si la diversité devient principe suprême, on ne peut plus parler de valeurs universelles ». Or, ajoute-t-il : « Sans fondements universels, il n'est pas de morale possible. Le pluralisme en tant que principe se dégrade en indifférence, perd toute profondeur et se dilue dans le relativisme, dans le non-sens, dans le pluralisme des errements et des mensonges. »

Tel est exactement le pluralisme idéologique des laïcistes qui s'oppose au fait concret, souvent bénéfique, de la pluralité. Le « pluralisme », résume Jean Madiran, c'est « la pluralité systématique et obligatoire en matières de dogmes, et donc leur destruction ». C'est la décomposition artificielle des couleurs naturelles en une couleur unique, comme incolore et inodore ! Quand tout se vaut, rien ne vaut. Et l'identité des communautés provinciales comme celle de la communauté nationale, riche de cette palette des provinces qu'elle ordonne organiquement, s'estompent peu à peu pour disparaître dans l'uniformité et le non sens. C'est, hélas, le grand rêve incolore du mondialisme qui est d'arriver à supprimer tous les conflits en supprimant toutes les identités, par une citoyenneté apatride qui exclue toute autre référence ou appartenance que celle des droits de l'homme... sans coin de terre et sans Dieu.

Communautarisme, laïcisme et identité nationale

Paradoxalement, s'il existe un communautarisme dangereux pour la concorde nationale, c'est précisément celui engendré par un certain mondialisme et un certain laïcisme d'Etat, indifférents aux couleurs nationales, culturelles, religieuses : celui qui, par une immigration sans limite quantitative ni tri qualitatif, donne sa place sans discernement, dans un même pays, à des populations, des cultures, des civilisations, des religions antagonistes (comme le ferrysme le fait à son niveau dans une même école) pour aboutir au bouillon de cultures...

Comme le laïcisme d'école oscille entre laïcité négative ou positive, le laïcisme d'Etat oscille entre le multiculturalisme (mettant toutes les communautés sur pied d'égalité) ou jacobinisme (ignorant la plupart des communautés essentielles, intermédiaires entre l'individu et l'Etat).

« Dans la République, il ne doit y avoir ni particularismes, ni féodalités, ni communautarismes, mais seulement des citoyens, femmes et hommes, avec leurs droits et leurs devoirs, égaux pour tous, partout en France », affirme par exemple le très jacobin Jacques Chirac (le 20 novembre 2001 au congrès des maires de France).

Mais on n'échappe pas en vérité au communautarisme : le laïcisme ne fait que remplacer les diverses communautés naturelles et surnaturelles (fondées sur le droit naturel et surnaturel) par des communautés artificielles fondées sur l'arbitraire et le mythe égalitaire. Il construit utopiquement une communauté scolaire, politique et mondialiste sur le modèle de la société (surnaturelle) de personnes qu'est l'Eglise, substituant peu à peu aux communautés naturelles (familles, provinces, nations, corps intermédiaires) des communautarismes artificiels fondés sur son individualisme foncier : partis politiques, lobbies (homosexuels, drogués, immigrationnistes...). Dissoudre et coaguler, selon la devise franc-maçonne...

Le communautarisme laïciste de l'Etat rejoint le laïcisme scolaire en ce que, sous couvert d'égalité systématique, il fait coïncider non plus le soi-disant respect des individus (neutralité de l'école) mais celui des minorités (neutralité d'Etat) avec « le non-respect de la majorité et l'élimination de ce qui est acquis et traditionnel dans une communauté humaine », comme le constatait le cardinal-archevêque de Bologne, Mgr Giacomo Biffi, lors de sa remarquable intervention à la Fondation Migrants (le 30 septembre 2000).

Un communautarisme artificiel

L'égalitarisme entre communautés est aussi aberrant que l'égalitarisme entre individus. Même les communautés légitimes, de différentes natures, ne sont pas égales en droit. Quant aux communautés illégitimes, sans droit bien évidemment, elles peuvent seulement bénéficier d'une tolérance plus ou moins étendue, selon l'état de la société.

N'ayant ni morale ni religion, refusant même jusqu'à l'idée d'un ordre moral, l'Etat laïciste, n'ayant de ce fait pas d'échelle stable des valeurs (sauf dans des domaines très limités), est incapable de distinguer sérieusement entre communautés légitimes et communautés illégitimes. Il reste encore pour lui quelques communautés considérées comme illégitimes (les réseaux pédophiles ou la mafia par exemple) mais de moins en moins...

C'est tout le problème du mythe égalitaire (laïciste ou pluraliste) qui est posé dans ses diverses applications (école, immigration, mœurs, religions...) en opposition avec la logique réaliste, naturelle et identitaire. Le pacs constitue aussi à cet égard (avec le communautarisme homosexuel) un exemple criant de cette vision contre-nature proprement anti-majoritaire.

Le mythe égalitaire, du laïcisme scolaire au laïcisme d'Etat, s'exerce en effet toujours au détriment de la nature et de la majorité. Pour le pacs, il s'exerce en l'occurrence au détriment de la majorité la plus souhaitable et la plus utile au pays et aux bonnes mœurs : celle des familles. On peut dire à son propos ce que le cardinal Biffi disait dans la même intervention de « la religion nationale historique » : « Il est tout à fait incongru de l'assimiler socialement aux autres formes religieuses culturelles... ».

Il est en effet tout à fait incongru et même pervers d'assimiler socialement l'union la plus commune et la plus naturelle — la famille : fruit du mariage monogamique, fondé sur l'union hétérosexuelle — avec d'autres « modèles » d'union (homosexuelle, lesbienne, pluri-mono-homo-parentale...). Ces unions très minoritaires ont toujours plus ou moins existé et le pouvoir politique peut les tolérer plus ou moins. Mais il ne peut en aucun cas les promouvoir institutionnellement dans un nivellement contre-nature et une annihilation de ce qui fait le principe même de la politique familiale et de la bonne politique tout simplement.

Un communautarisme organique

Le communautarisme n'est donc pas une notion univoque. S'il est souvent légitime en droit ou en fait, préférable au laïcisme niveleur et aliénant, il nécessite discernement et mesure de la part du pouvoir politique. En fonction des réalités, mais aussi de l'identité nationale et religieuse du pays qui n'est pas autre chose que le signe de son être. Selon une hiérarchie des valeurs, avec un sens de la vérité et du bien commun. Contre le jacobinisme laïciste, le communautarisme peut et doit être une bonne chose pour l'Etat s'il ne tombe pas dans le multiculturalisme (tout aussi laïciste), si les règles auxquelles il répond sont bonnes.

Le bon « communautarisme » se fonde :

— sur la distinction entre communautés légitimes et communautés illégitimes, qui suppose précisément ce sens de la vérité et du bien commun ;

— sur la reconnaissance des droits acquis par les communautés légitimes et qui varient d'une communauté à l'autre : la communauté des harkis a par exemple plus de droits normalement que la communauté des Algériens récemment immigrés ;

— sur une claire vision de ce qu'il faut faire vis-à-vis des communautés illégitimes : répression ou tolérance légale ou de fait.

Si la France peut et doit ainsi reconnaître les communautés naturelles ou les peuples (corse, breton, provençal, alsacien...) qui la constituent historiquement comme nation, elle n'a pas à reconnaître a priori, par exemple, un peuple arabe, n'ayant (jusqu'à présent) aucun territoire arabe (!), comme l'explique Yves Daoudal dans une « Contribution au débat sur la communautarisme » (Reconquête de juin 2003). Elle peut certes reconnaître sur son territoire national des communauté étrangères, à condition de les considérer comme telles, pourvues de droits distincts des nationaux, tant qu'elle n'ont pas fait la preuve de leur intégration, voire de leur assimilation. Si la France, par son histoire, est aussi formée de plusieurs communautés religieuses essentiellement rattachées au christianisme, elle peut tolérer mais n'a pas intérêt à favoriser institutionnellement, sous prétexte de laïcisme, des mœurs étrangères à sa culture radicalement chrétienne. Si enfin, selon le principe de subsidiarité, elle doit laisser agir et faciliter toutes les entreprises et initiatives communautaristes (plus ou moins) utiles au bien commun (groupes de travail, écoles, scoutismes, clubs de loisirs...) elle ne saurait favoriser celles qui lui font objectivement du tort (comme le lobby gay par exemple).

Loin du totalitarisme laïciste, mais avec autorité et souci du bien commun national, une saine politique doit ordonner, superposer et hiérarchiser tout cela organiquement dans la cité, entre les légitimes communautés de familles et les légitimes communautés de personnes aux origines et aux finalités multiples. Selon une logique et un ordre qu'avait résumé Maurras et qu'il faudrait adapter à notre temps : « En bas les républiques, en haut la royauté et par delà tous les domaines la Papauté. »

Communautaristes ou communautariens?

Le communautarisme que rejette le laïcisme est, en réalité, celui que défendent aux Etats-Unis les philosophes dits communautariens (Charles Taylor, Alasdair Mac Intyre, Michael Sandel, Richard Nibset...) contre la Théorie de la justice (1971) du libéral John Rawls inspiré des Lumières. Confrontés à une société multiculturelle et pluriethnique fondée sur l'individualisme libéral, ces penseurs ont renoué, dans la deuxième moitié du XXe siècle, avec l'héritage aristotélicien et thomiste sur la communauté humaine et les divers biens communs. Pour eux, sans méconnaître le rôle décisif et unitaire de l'Etat-nation, la politique passe par ce que Gustave Thibon appelait aussi les communautés de destin : le primat des solidarités de proximité et des divers liens sociaux sur la recherche d'intérêts individuels.

En théorie, le libéralisme d'un Rawls (aux Etats-Unis) ou d'un laïcisme de stricte observance (en France) ne supportent aucun communautarisme : la seule appartenance légitime est l'appartenance à l'Etat (qui est de moins en moins un Etat-nation), les individus étant tous tenus dans une stricte égalité de droit sous une loi commune et impersonnelle (les autres rapports entre les hommes devant tous être fondés sur le mode contractuel).

Cette théorie fait que certains « souverainistes » par exemple, de droite ou de gauche, adoptent le laïcisme d'un Chevènement repoussant tous les communautarismes extra-républicains, majoritaires ou minoritaires, régionaux ou ethniques, et surtout religieux (catholicisme, sionisme, islamisme...). Le Président de la République lui-même, on l'a vu, se recommande volontiers de cette théorie qu'il étend en fait à l'Europe et même au monde des droits de l'homme sans Dieu... Dans la pratique cependant, le laïcisme est contraint, comme on l'a vu aussi, de recomposer des communautarismes artificiels, tant il est vrai que « naître enfant – ou plutôt adulte – trouvé et mourir célibataire » (selon le mot de Renan) demeure un rêve bien désincarné pour un citoyen. On refait donc du social avec de l'individuel, contrairement au principe aristotélicien de la politique.

En signant le pacs, Chirac confirme bien, en dépit de ses dires, qu'il y a dans la République des particularismes, des communautarismes, avec des lois d'exception, qu'il y a des hommes et des femmes, avec des droits et des devoirs qui ne sont pas les mêmes pour tous, partout en France. Idem pour le concept de discrimination positive qui constitue une sorte de préférence étrangère. Comme le constate Pierre Chaunu, si l'Ancien Régime était quelquefois sévère avec les minorités, c'est l'inverse qui a lieu depuis la Révolution très peu respectueuse en fait de la communauté majoritaire.

Non, on n'échappe pas au communautarisme, même dans la République qui reconstitue, sous son laïcisme, des touts accidentels (les départements et les régions par exemple) dont l'unité d'ordre n'est plus souvent fondée sur une réalité naturelle ou sur une tradition mais sur un arbitraire. Aussi, devant l'ambiguïté et les diverses acceptions du terme communautarisme – lequel est plutôt connoté péjorativement aujourd'hui, comme le terme intégrisme – , Guillaume de Lacoste Lareymondie propose une certaine prudence sémantique :

« il faut se garder d'être dupe des mots, et ne les employer que si leur sens est bien établi. On peut légitimement parler de “communautarien” pour désigner une certaine école de philosophie politique en Amérique du Nord ; mais mieux vaut se garder d'employer le mot “ communautarisme ”, dont la signification est trop floue. Il importe surtout de ne pas mélanger ces deux mots afin de ne pas contribuer à jeter le discrédit sur toute une philosophie que nous gagnerions plutôt à découvrir et à faire connaître. » (Site web : libertepolitique.com ).

Rémi Fontaine