Paroisse catholique Saint Michel

Dirigée par

 Monsieur l'abbé Paul Aulagnier

 

06 80 71 71 01

 

Du 15 mai au 21 mai

Dimanche aprés la Pentecote

 

Sommaire

 N'oubliez pas de vous
inscrire sans tarder au pèlerinage jubilaire du Puy, pour m'en faciliter
l'organisation. N'attendez pas le dernier jour, comme on le fait d'habitude.
Des noms me sont déjà parvenus. Je les en remercie.

A- De l’annonciation de la bienheureuse Vierge Marie


Après avoir médité, depuis plusieurs semaines, sur le temps de l’Incarnation, sur le temps que Dieu a choisi pour la réalisation du Mystère de l’Incarnation, il nous faut méditer maintenant le mystère de l’Annonciation.

Nous le ferons en méditant d’abord l’Evangile. Nous utiliserons le commentaire de Dom Delatte « L’Evangile de Notre Seigneur Jésus-Christ, le Fils de Dieu ». Puis, nous suivrons, comme toujours, ici, les commentaires de Saint Thomas , dans la Somme Théologique.

1- De l’annonciation : Luc 1 26-37


Vous connaissez le récit. Veuillez le prendre pour suivre le commentaire de Dom Delatte.

« Lc 1 26. Or au sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé de Dieu dans une ville de la Galilée, Nazareth, à une vierge, épouse d’un homme appelé Joseph, de la maison de David ; le nom de la vierge était Marie. Et ayant pénétré près d’elle, l’ange dit : « Je vous salue pleine de grâce ; le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre les femmes. Elle, ayant entendu ces paroles fut troublée et se demanda ce que pouvait signifier une telle salutation… »

Commentaire de Dom Delatte

« La scène est à Nazareth, dans la Galilée. Une humble maison. Un ménage humble et pauvre : un artisan, son épouse vierge. Regardons. Là nous pouvons tout apprendre. Nazareth est l’école par excellence. Nous voyons le milieu et l’atmosphère où s’accomplissent les œuvres de Dieu : l’humilité, la pauvreté, la solitude, la pureté, l’obéissance.
Ce même archange Gabriel envoyé, dans l’Ancien Testament, pour renseigner Daniel sur le mystère des semaines d’années et la date de l’avènement du Messie, député à Zacharie pour lui apprendre que l’heure est proche, est maintenant envoyé de Dieu dans une ville de la Galilée, Nazareth, à une vierge du nom de Marie, épouse de Joseph, un rejeton de la famille de David.
Et ayant pénétré près d’elle, il dit : « Je vous salue, pleine de grâce… » Ce n’est pas avec des paroles qu’il faut commencer. Aussi bien, les termes sacrés sont pleins, riches de signification profonde. C’est vraiment la joie qui est annoncée au monde , et depuis cette heure-là, il n’y a plus que du bonheur pour ceux qui acceptent l’Incarnation. Cette créature surnaturelle qui s’éveille à la parole de l’ange, suffit à l’allégresse du temps et à celle de l’éternité. Le terme grec par « gratia plena », signifie une plénitude de grâce reçue par Notre Dame. Et comme la grâce est la dot de l’âme et la condition de son union à Dieu, celle qui est pleine de grâce est pleinement à Dieu, pleinement avec Dieu ; elle est sainte non seulement par ses privilèges, mais par ses vertus. « le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre les femmes ».
L’ange ne dit rien de plus. La salutations était plus large que toutes celles adressées dans l’Ancien Testament, l’attitude de l’ange infiniment respectueuse, la Vierge infiniment humble. Joignons ensemble tous ces éléments et nous aurons la raison de la prudente réserve de Notre Dame. Lorsque l’on remarque qu’elle fut troublée à ces paroles de l’ange, cela veut dire qu’elle demeure indécise sur ce qu’elle devait répondre. Et, gardant le silence, elle recherchait, à part elle, ce que pouvait signifier une telle salutation. Encore une fois, elle est humble, elle est prudente : l’ange l’a abordée comme une reine, mais il n’a encore rien dit de son message divin
En face de ce silence, qui contenait une interrogation muette, Gabriel reprit la parole. Le « ne timeas » n’a pas pour dessein de bannir une crainte proprement dite mais seulement d’exclure même le trouble et l’indécision que nous venons de décrire. Cette fois Notre-Dame est appelée par son nom : « Ne craigniez point, Marie, car vous avez trouvé grâce devant Dieu. » La faveur de Dieu, la tendresse de Dieu qui est souveraine, qui est gracieuse, qui est active, s’est reposée sur elle. La même expression a été employée au sujet de Noé, qui bâtit l’arche du salut ; Noé trouva grâce devant le Seigneur (Gen 6 8). Mais il s’agit aujourd’hui d’une faveur plus haute, d’une arche plus sainte, d’un salut plus complet. La Sainte Vierge connaissait les Ecritures ; elle avait lu et médité, au chapitre 7 d’Isaïe, les mots mêmes que l’ange emploie maintenant. « Voici que la Vierge concevra et enfantera un Fils, et on l’appellera Emmanuel ». Voici, dit l’ange, que « vous concevrez dans votre sein et que vous enfanterez un Fils, et vous l’appellerez Jésus ». Le parallélisme était flagrant. Emmanuel, « Dieu avec nous », c’était l’équivalent de Jésus, « Dieu sauveur ».

Observons par quels traits l’ange dessine la mission du Fils de la Vierge. Il sera grand : il sera appelé, parce qu’il sera réellement, Fils du Très Haut. L’ange ne dit pas : le Fils du Très Haut. Ses paroles semblent calculées pour marquer une relation intime avec Dieu, sans exprimer encore nettement la filiation divine et la seconde personne de la très Sainte Trinité. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père. Il régnera pour les siècles sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. Remarquons les termes et l’étendue de la prophétie. C’est chose extraordinaire que cet enfant qui n’est pas né encore, soit promis à sa Mère comme un roi et comme un roi éternel, en dépit de l’humiliation à laquelle était réduit, à cet époque, le peuple juif tout entier. Peut-être avons nous le droit de remarquer aussi que cette prophétie s’est accomplie, qu’elle s’accomplit chaque jour encore, qu’elle est partiellement inachevée, et que le temps ne dure que pour lui donner le loisir de sa pleine réalisation.

Il semble que Notre-Dame, même avant la salutation angélique, aurait dû se reconnaître comme prédestinée à devenir la Mère de Dieu. Elle connaissait admirablement les Livres Saints ; elle était pleine de grâce ; elle savait que les temps étaient venus ; elle était de la famille de David ; le Messie devait naître d’une vierge ; or il lui avait été inspiré de vouer la première, sa virginité à Dieu. Tous les indices semblaient donc réunis. Comment ne s’est-elle pas demandé : « Mais n’est-ce pas de moi qu’il est question ? » Elle ne se l’est pas demandé. Les humbles s’ignorent. Peut-être avait-elle souhaité seulement d’être la servante de la Mère du Messie. Et la salutation de l’ange, si claire pour nous après l’événement, ne fit pas sortir la Vierge de cette divine ignorance d’elle-même. Après tout, il y avait moyen d’interpréter les paroles angéliques de manière à demeurer en deçà d’une grandeur à laquelle elle n’avait jamais songé. Aussi longtemps qu’il demeurait une imprécision, une part d’obscurité dans le message divin, ce serait une retraite, un abri où se réfugierait l’humilité de la Vierge. Y a-t-il au monde un spectacle plus beau que celui-là ? Dieu qui y était attentif , dut s’y complaire. Nous aussi, perdons-nous dans cette splendeur. Voici comment on pourrait traduire cet incomparable malentendu : « Dieu, par l’ange, me promet un fils. Il sera glorieux. Mais puisque l’ange n’a pas dit formellement qu’il est le Messie, qu’il est le Fils de Dieu, ce sera un roi comme les autres, un homme comme les autres. Il naîtra d’une femme, non d’une Vierge. Or j’ai voué à Dieu mon corps et mon âme ; mon mariage n’est qu’un voile, et mon époux le gardien prédestiné de ma virginité. Comment donc pourra s’accomplir la promesse angélique, puisque j’ai fait vœu de n’être à aucun homme ? « Quomodo fiet istud, quoniam virum non cognoxco”?
Dans la réponse de l’ange, nous entendons la réponse de Dieu. Le Fils qui sera donné à Marie, ne sera pas le fruit d’un commerce humain : le vœu de virginité demeurera donc sauf. « C’est l’Esprit de Dieu, l’Esprit Saint, qui descendra sur vous ; c’est la force du Très-haut qui vous couvrira de son ombre. » Le texte grec est susceptible de plusieurs interprétations. La vertu de Dieu, c’est-à-dire le Fils de Dieu, vous demandera son voile, sa nature humaine, l’ombre dont il s’enveloppera pour se rendre visible aux regards humains ; la vertu de Dieu, le Fils de Dieu entrera en vous, comme on entre dans sa demeure ; il se reposera à l’ombre de votre sein ; il sera, par vous, Dieu avec nous, Emmanuel, beaucoup plus vraiment que dans le Saint des Saints et à l’ombre des grands chérubins qui étendent leurs ailes sur le propitiatoire ; une troisième interprétation, celle qui est commune et préférable, semble-t-il, reconnaît qu’il est question encore du Saint-Esprit, comme dans la première partie du verset ; nous aurions affaire à un cas de parallélisme synthétique et d’équivalence entre « Spiritus Sanctus superveniet in te » et « Virtus Altissimi obumbrabit tibi ». Par deux fois, l’ange a voulu signifier la pureté virginale de la conception promise. Ce n’est point l’homme, c’est Dieu seul, c’est la sainteté et la pureté de Dieu qui interviendra. « Espri-Saint » et « Vertu du Très-haut » indiquent tous deux une même réalité : Dieu dans sa sainteté et son pouvoir infini, en un mot l’élément actif de cette création surnaturelle. Les paroles qui suivent et que nous traduisons d’après le grec, marquent le résultat, le fruit béni de cette action : « C’est pourquoi l’enfant qui doit naître sera appelé Saint et le Fils de Dieu ». Le Fils de Dieu prendra, grâce à Notre Dame, sa place dans la création, sa place, la première et l’unique dans la famille humaine : « Ut sit ipse primogenitus in multis fratribus (Rm 8 29)

Il y a une grande différence entre l’accueil fait par Zacharie au message angélique : « Comment saurai-je qu’il en sera ainsi ? » et celui de la sainte Vierge : « Comment cela se fera-t-il ? » Aucune doute n’effleure l’âme de notre Dame ; elle demande seulement à l’ange comment, dans sa vie, se pourront concilier deux devoirs : celui de l’obéissance et celui de son vœu. Néanmoins, nous remarquerons que Dieu use, dans l’un et l’autre cas, du même procédé. Il traite sa créature avec respect ; il lui donne un signe, c’est-à-dire une preuve de ses dires et une garantie de la foi qu’il réclame. Ainsi, ses témoignages sont croyables à l’infini : « Testimonia tua credibili facta sunt nimis ». Ce signe, la Sainte Vierge ne le sollicitait pas : il lui fut gracieusement accordé. Pour obtenir son consentement l’ange en appelle à une autre conception miraculeuse : Votre parente Elisabeth, elle aussi, a conçu un fils dans sa vieillesse ; depuis six mois déjà elle le porte en son sein, elle, la stérile. Car nulle parole prononcée par Dieu, nulle promesse sortie de ses lèvres ne sera jamais trahie, ni démentie, ni inexécutée.

Il y avait un intérêt extrême, pour l’humanité et pour Dieu même, à ce que la Sainte Vierge donnât son adhésion au mystère. Lorsqu’il s’agit d’union et de mariage, il doit y avoir un consentement libre des deux parties. L’union hypostatique n’échappe pas à cette loi. C’est une union ; ce n’est pas une conquête, ni une contrainte, une sorte de mainmise violente d’un des contractants. Dieu, nous l’avons dit traite sa créature avec égards. Or, ce consentement indispensable à l’Incarnation, Dieu ne pouvait le demander ni à la portion de l’humanité qui avait précédé et qui n’existait plus ; ni à la portion qui existait alors et qu’on ne pouvait plébisciter pour savoir si elle consentait à l’union divine ; ni à la portion future de l’humanité. On ne pouvait non plus consulter la nature humaine individuelle que devait revêtir le Verbe : elle n’existait pas encore, et c’était précisément en vue de son existence que le consentement était sollicité. Voilà donc les destinées du monde suspendues aux lèvres et au cœur de Notre-Dame. Entendons l’Eglise, dans sa liturgie, la supplier de consentir à Dieu : « Suscipe Vervum, Virgo Maria quod tibi a Domino per angelum transmissum est… ». Monde crée et monde incréé, tous les deux sont anxieux, attentifs, épiant la réponse de la Vierge, qui, pour tous deux, sera décisive. Ce n’est pas un rêve arbitraire, mais la doctrine de saint Thomas d’Aquin : « L’annonciation, dit-il, était convenable : ut ostenderetur esse quoddam spirituale matrimonium inter Filium Dei et humanam naturam ; et ideo per Annuntiationem exspectabatur consensus Virginis, loco totius humanae naturae » ( III 30 1) (« pour que fût montré qu’il y avait un certain mariage spirituel entre le Fils de Dieu et la nature humaine. Et c’est pourquoi par l’Annonciation était attendu le consentement de la Vierge en lieu et place de toute la nature humaine »). La Sainte Vierge n’ignorait pas ce que devait impliquer pour elle la maternité divine. Dieu n’a pas surpris sa mère. Elle savait, par l’Ecriture, sur quelles épées nues son cœur serait traîné. C’est pleinement consciente qu’elle adhère au vouloir du Seigneur.
La condition faite à Notre Dame par l’Incarnation entraîne deux conséquences, qu’il nous suffira d’indiquer ici. La première, c’est que jamais fils n’a été le bien de sa mère autant que le Seigneur l’a été de Marie. La virginité de notre Dame attache son Fils à elle toute seule, à elle exclusivement, comme le fruit de sa pureté ; il est le Fils de sa chair et de sa volonté ; à lui elle a vraiment tout donné. Mais comment osons-nous parler de tels mystères ? Il nous faudrait pourtant ajouter encore que l’heure même de l’Incarnation, Notre-Dame a concentré et ramassé en elle l’humanité entière ; que son âme a comme embrassé et enveloppé tout ce que nous sommes ; et qu’à l’exemple de son Fils, à raison du même acquiescement qui lui a été demandé par Dieu, nous sommes à elle comme nous ne sommes à personne. Elle est la Mère de tous les vivants, la nouvelle Eve. Comment peut-il demeurer une tristesse sur terre, depuis que l’éternité elle-même s’est inclinée, que les cieux se sont abaissés, que l’ange est venu au nom de Dieu, et que Notre Dame et notre Mère lui a répondu simplement : « Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole ».
Et l’ange se retira d’auprès d’elle. Et en même temps que la Vierge disait à Dieu : « Ecce ancilla Domini », dans une adoration parfaite, s’élevait de son sein une adoration plus parfaite encore. La Mère de Dieu se disait la servante du Seigneur ; le Fils de Dieu se disait l’esclave et le serviteur de Dieu. L’apôtre saint Paul nous l’a révélé : « Lorsque le Christ fit son entrée ici-bas, il dit : « Vous ne vouliez plus d’hosties et d’oblations, alors vous m’avez donné un corps ; les holocaustes et les victimes pour le péché ne vous plaisent point, alors j’ai dit : Me voici, selon qu’en tête du livre, il est écrit de moi, pour faire ô Dieu, votre volonté »(Hb 10 5-7) C’est au même instant que, du cœur de Fils comme de celui de la Mère, montait vers Dieu le parfum d’un même sacrifice, d’une même adoration. » ( Dom Delatte l’Evangile de NSJC, Le Fils de Dieu).

2 - Le commentaire de Saint Thomas
Dans la III 30 1-4, Saint Thomas médite sur cette scène merveilleuse de l’Annonciation de la Vierge Marie. Nous verrons aujourd’hui son premier article.

L’article 1 est ainsi intitulé :
« S’il était nécessaire que fut annoncé à la bienheureuse Vierge ce qui devait se faire en elle ?


Au corps de l’article, saint Thomas formule ainsi sa conclusion : « Il était convenable et à propos, qu’il fût annoncé à la bienheureuse Vierge qu’elle allait concevoir le Christ »

D’abord pour garder l’ordre voulu dans l’union du Fils de Dieu à la Vierge : il fallait, en effet, que son esprit en fût instruit avant que la conception s’en fît dans sa chair.
En second lieu pour qu’elle pût être un témoin plus certain de ce mystère, en étant instruite elle-même divinement.
Troisièmement, afin quelle pût offrir à Dieu les dons volontaires de ses services ; à quoi elle se montre prompte, en disant : Voici la servante du Seigneur(Lc 1 31)
Quatrièmement, pour que fût montré qu’il y avait un certain mariage spirituel entre le Fils de Dieu et la nature humaine. Et c’est pourquoi par l’Annonciation était attendu le consentement de la Vierge en lieu et place de toute la nature humaine ».

Parmi les raisons que nous donne saint Thomas pour montrer qu’il était bon et souverainement convenable que le mystère de l’Incarnation fût annoncé à Marie avant de s’accomplir en elle, la raison qui a trait à son consentement est d’une importance exceptionnelle. Elle nous permet d’entrevoir la dette de reconnaissance que toute créature, mais surtout la créature humaine, a contractée envers Marie, puisque, en prononçant le sublime fiat que nous trouvons marqué dans l’Evangile de saint Luc, elle a été la cause volontaire immédiate permettant à Dieu de réaliser, comme il l’avait ordonné dans les conseils de sa prédestination, le chef-d’œuvre de son amour, l’Incarnation de son Fils, principe et source de tous nos biens dans l’ordre du salut

Il était donc souverainement convenable, pour toutes ces raisons, que Dieu fit annoncer à Marie le mystère qu’Il avait résolu d’accomplir en elle.


B- Homélie de Benoît XVI
.
Le Dimanche de Pentecôte, Benoît XVI prononça, à saint Pierre, l’homélie suivante lors des ordinations sacerdotales qu’il conféra à une vingtaine de diacre.


Chers frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,

chers ordinands,
chers frères et sœurs,

La première Lecture et l'Evangile du Dimanche de Pentecôte nous présentent deux grandes images de la mission de l'Esprit Saint. La lecture des Actes des Apôtres raconte comment, le jour de la Pentecôte, l'Esprit Saint, sous les signes d'un vent puissant et du feu, fait irruption dans la communauté des disciples de Jésus, en prière, et donne ainsi origine à l'Eglise. Pour Israël, la Pentecôte, de fête des moissons, était devenue la fête qui faisait mémoire de l'établissement de l'alliance au Sinaï. Dieu avait montré sa présence au peuple à travers le vent et le feu et il lui avait ensuite fait don de sa loi, des dix Commandements. Ce n'est qu'ainsi que l'œuvre de libération, commencée avec l'Exode de l'Egypte, s'était pleinement accomplie: la liberté humaine est toujours une liberté partagée, un ensemble de libertés.

Une liberté commune ne peut régner que dans une harmonie ordonnée des libertés, qui ouvre à chacun son propre domaine. C'est pourquoi le don de la loi sur le Sinaï ne fut pas une restriction ou une abolition de la liberté, mais le fondement de la véritable liberté. Et, étant donné qu'une juste organisation humaine ne peut exister que si elle provient de Dieu et si elle unit les hommes dans la perspective de Dieu, les commandements que Dieu lui-même donne ne peuvent manquer à une organisation ordonnée des libertés humaines. Ainsi, Israël est pleinement devenu un peuple précisément à travers l'alliance avec Dieu au Sinaï. La rencontre avec Dieu au Sinaï pourrait être considérée comme le fondement et la garantie de son existence comme peuple. Le vent et le feu, qui frappèrent la communauté des disciples du Christ rassemblés au Cénacle, constituèrent un développement supplémentaire de l'événement du Sinaï et lui donnèrent une nouvelle envergure. En ce jour, se trouvaient à Jérusalem, selon ce que rapportent les Actes des Apôtres, «des hommes dévots de toutes les nations qui sont sous le ciel» (Ac 2, 5). Et voilà que se manifeste le don caractéristique de l'Esprit Saint: tous comprennent les paroles des Apôtres: «Chacun les entendait parler en son propre idiome» (Ac 2, 6). L'Esprit Saint leur donne de comprendre. En surmontant la rupture initiale de Babel — la confusion des cœurs, qui nous élève les uns contre les autres — l'Esprit ouvre les frontières. Le peuple de Dieu qui avait trouvé au Sinaï sa première forme, est alors élargi au point de ne connaître plus aucune frontière. Le nouveau peuple de Dieu, l'Eglise, est un peuple qui provient de tous les peuples. L'Eglise est catholique dès le début, telle est son essence la plus profonde. Saint Paul explique et souligne cela dans la deuxième lecture, lorsqu'il dit: «Aussi bien est-ce en un seul Esprit que nous tous avons été baptisés en un seul corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres, et tous nous avons été abreuvés d'un seul Esprit» (1 Co 12, 13). L'Eglise doit toujours redevenir ce qu'elle est déjà: elle doit ouvrir les frontières entre les peuples et faire tomber les barrières entre les classes et les races. En son sein, il ne peut y avoir de personnes oubliées ou méprisées. Dans l'Eglise, il n'y a que des frères et des sœurs de Jésus Christ, libres.

Le vent et le feu de l'Esprit Saint doivent sans relâche ouvrir ces frontières que nous les hommes continuons à élever entre nous; nous devons toujours repasser de Babel, de la fermeture sur nous-mêmes, à la Pentecôte. Nous devons donc prier sans cesse pour que l'Esprit Saint nous ouvre, nous donne la grâce de la compréhension, de façon à devenir le peuple de Dieu issu de tous les peuples — saint Paul nous dit encore davantage: dans le Christ, qui comme unique pain nous nourrit tous dans l'Eucharistie et nous attire à lui dans son corps torturé sur la croix, nous devons devenir un seul corps et un seul esprit.

La deuxième image de l'envoi de l'Esprit, que nous trouvons dans l'Evangile, est beaucoup plus discrète. Mais c'est précisément ainsi qu'elle fait percevoir toute la grandeur de l'événement de la Pentecôte. Le Seigneur Ressuscité entre dans le lieu où se trouvent les disciples, en traversant les portes closes et il les salue deux fois en disant: que la paix soit avec vous! Quant à nous, nous fermons sans cesse nos portes; nous voulons sans cesse nous mettre à l’abri et ne pas être dérangés par les autres et par Dieu. C'est pourquoi nous pouvons sans cesse supplier le Seigneur, uniquement pour cela, pour qu'il vienne à nous en franchissant nos fermetures, et qu'il nous apporte son salut. «Que la paix soit avec vous»: ce salut du Seigneur est un pont, qu'il jette entre le ciel et la terre. Il descend sur ce pont jusqu'à nous et nous, nous pouvons monter sur ce pont de paix, jusqu'à lui. Sur ce pont, toujours avec Lui, nous devons nous aussi arriver à notre prochain, jusqu'à celui qui a besoin de nous. C’est précisément en nous abaissant avec le Christ, que nous nous élevons jusqu'à Lui et jusqu'à Dieu: Dieu est Amour et la descente, l'abaissement, que l'amour demande, est donc en même temps la véritable ascension. C’est justement ainsi, en nous abaissant, en sortant de nous-mêmes, que nous atteignons la hauteur de Jésus Christ, la véritable hauteur de l'être humain.

Au salut de paix du Seigneur suivent deux gestes décisifs pour la Pentecôte: le Seigneur veut que sa mission se poursuive à travers les disciples: «Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie» (Jn 20, 21). Après quoi il souffle sur eux et dit: «Recevez l'Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus» (Jn 20, 23). Le Seigneur souffle sur les disciples, et il leur donne ainsi l'Esprit Saint, son Esprit. Le souffle de Jésus est l'Esprit Saint. Nous reconnaissons tout d'abord ici une allusion au récit de la création de l'homme dans la Genèse, où il est dit: «Alors Yahvé Dieu modela l'homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie» (Gn 2, 7). L'homme est cette créature mystérieuse, qui provient entièrement de la terre, mais dans laquelle a été placé le souffle de Dieu. Jésus souffle sur les apôtres et leur donne de manière nouvelle, plus grande, le souffle de Dieu.

Chez les hommes, malgré toutes leurs limites, se trouve à présent quelque chose d'absolument nouveau — le souffle de Dieu. La vie de Dieu habite en nous. Le souffle de son amour, de sa vérité et de sa bonté. Ainsi, nous pouvons voir ici également une allusion au baptême et à la confirmation — à cette nouvelle appartenance à Dieu, que le Seigneur nous donne. Le texte de l'Evangile nous invite à cela: à vivre toujours dans l'espace du souffle de Jésus Christ, à recevoir la vie de Lui, de façon à ce qu'il nous insuffle la vie authentique — la vie qu'aucune mort ne peut ôter. A son souffle, au don de l'Esprit Saint, le Seigneur relie le pouvoir de pardonner. Nous avons précédemment entendu que l'Esprit Saint unit, franchit les frontières, conduit les uns vers les autres. La force, qui ouvre et permet de surmonter Babel, est la force du pardon. Jésus peut donner le pardon et le pouvoir de pardonner, car il a lui-même souffert des conséquences de la faute et il les a faites disparaître dans la flamme de son amour. Le pardon vient de la croix; il transforme le monde avec l'amour qui se donne. Son cœur ouvert sur la croix est la porte à travers laquelle la grâce du pardon entre dans le monde. Seule cette grâce peut transformer le monde et édifier la paix.

Si nous comparons les deux événements de la Pentecôte, le vent puissant du 50e jour et le souffle léger de Jésus le soir de Pâques, le contraste entre deux épisodes, qui eurent lieu au Sinaï et dont nous parle l'Ancien Testament, peut nous revenir à l'esprit. D'une part, il y a le récit du feu, du tonnerre et du vent qui précèdent la promulgation des dix Commandements et l'établissement de l'Alliance (Ex 19sq.); de l'autre, l'on trouve le mystérieux récit d'Elie sur l'Horeb. Après les événements dramatiques du Mont Carmel, Elie avait fui la colère d'Achab et de Jézabel. Suivant le commandement de Dieu, il était ensuite parti en pèlerinage jusqu'au Mont Horeb. Le don de l'alliance divine, de la foi dans le Dieu unique, semblait avoir disparu en Israël. Elie, d'une certaine façon, devait rallumer la flamme de la foi sur le Mont de Dieu et la rapporter à Israël. En ce lieu il fait l'expérience du vent, d'un tremblement de terre, et du feu. Mais Dieu n'est pas présent dans tout cela. Alors il perçoit un doux et léger murmure. Et Dieu lui parle dans ce souffle léger ( 1 R 19, 11-18). N'est-ce pas ce qui se passe le soir de cette Pâque, lorsque Jésus apparaît à ses Apôtres pour enseigner ce que l'on veut dire ici? Ne peut-on pas voir ici une préfiguration du serviteur de Yahvé, dont Isaïe dit: «Il ne crie pas, il n'élève pas le ton, il ne fait pas entendre sa voix dans la rue» (42, 2)? N'est-ce pas ainsi qu'apparaît l'humble figure de Jésus comme la véritable révélation à travers laquelle Dieu se manifeste à nous et nous parle? L'humilité et la bonté de Jésus ne sont-elles pas la véritable épiphanie de Dieu? Elie, sur le Mont Carmel, avait cherché à combattre l'éloignement de Dieu par le feu et par l'épée, tuant les prophètes de Baal. Mais de cette façon, il n'avait pu rétablir la foi. Sur le Mont Horeb, il doit apprendre que Dieu n'est pas dans le vent, dans un tremblement de terre, dans le feu; Elie doit apprendre à percevoir la voix légère de Dieu et, ainsi, à reconnaître à l'avance celui qui a vaincu le péché, non par la force mais par sa Passion; celui qui, à travers sa souffrance, nous a donné le pouvoir du pardon. Telle est la façon dont Dieu vainc.

Chers ordinands! De cette façon le message de Pentecôte s'adresse à présent directement à vous. La scène de la Pentecôte de l'Evangile de Jean parle de vous et à vous. A chacun de vous, de façon très personnelle, le Seigneur dit: paix à vous - paix à toi! Lorsque le Seigneur dit cela, il ne donne pas quelque chose mais il se donne lui-même. En effet, il est lui-même la paix (Ep 2, 14). Dans ce salut du Seigneur, nous pouvons également entrevoir un rappel du grand mystère de la foi, de la sainte Eucharistie, dans laquelle il se donne sans cesse lui-même et, de la sorte, donne la paix véritable. Ce salut se place ainsi au centre de votre mission sacerdotale: le Seigneur vous confie le mystère de ce sacrement. En son nom vous pouvez dire: ceci est mon corps — ceci est mon sang. Laissez-vous toujours attirer à nouveau dans la Sainte Eucharistie, dans la communion de vie avec le Christ. Considérez comme le centre de chaque journée le fait de pouvoir la célébrer de façon digne. Reconduisez toujours les hommes vers ce mystère. Aidez-les, à partir de celle-ci, à apporter la paix du Christ dans le monde.

Dans l'Evangile que nous venons d'entendre, retentit ensuite une deuxième parole du Ressuscité: «Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie» (Jn 20, 21). Le Christ dit cela, de façon très personnelle, à chacun de vous. A travers l'ordination sacerdotale, vous vous insérez dans la mission des apôtres. L'Esprit Saint est vent, mais il n'est pas amorphe. C'est un esprit ordonné. Et il se manifeste précisément en ordonnant la mission, dans le sacrement du sacerdoce, avec lequel se poursuit le ministère des apôtres. A travers ce ministère, vous êtes insérés dans la grande assemblée de ceux qui, à partir de la Pentecôte, ont reçu la mission apostolique. Vous êtes insérés dans la communion du presbyterium, dans la communion avec l'Evêque et avec le Successeur de saint Pierre, qui, ici à Rome, est aussi votre Evêque. Nous sommes tous insérés dans le réseau de l'obéissance à la parole du Christ, à la parole de celui qui nous donne la véritable liberté, car il nous conduit dans les espaces libres et dans les amples horizons de la vérité. C'est précisément dans ce lien commun avec le Seigneur que nous pouvons et que nous devons vivre le dynamisme de l'Esprit. De même que le Seigneur est sorti du Père et nous a donné la lumière, la vie et l'amour, la mission doit sans cesse nous remettre en mouvement, nous rendre soucieux d'apporter la joie du Christ à celui qui souffre, à celui qui est dans le doute, et également à celui qui est hésitant.

Enfin, il y a le pouvoir du pardon. Le sacrement de la pénitence est l'un des trésors précieux de l'Eglise, car ce n'est que dans le pardon que s'accomplit le véritable renouveau du monde. Rien ne peut améliorer le monde, si le mal n'est pas surmonté. Et le mal ne peut être surmonté qu'avec le pardon. Bien sûr, cela doit être un pardon efficace. Mais seul le Seigneur peut nous donner ce pardon. Un pardon qui n'éloigne pas le mal seulement en paroles, mais qui le détruit réellement. Cela ne peut se produire qu'avec la souffrance et a réellement eu lieu avec l'amour empreint de souffrance du Christ, d’où nous puisons le pouvoir du pardon.

Enfin, chers ordinands, je vous recommande d'aimer la Mère du Seigneur. Faites comme saint Jean, qui l'accueillit au plus profond de son cœur. Laissez-vous renouveler sans cesse par son amour maternel. Apprenez d'Elle à aimer le Christ. Que le Seigneur bénisse votre chemin sacerdotal. Amen!