1- De la Conception du Christ, Verbe incarné,
et de sa perfection.
Méditation.
La semaine dernière, nous avons
médité la réponse de Notre Dame à l’Ange
Gabriel : « Qu’il me soit fait selon votre parole »,
« Fiat mihi secundum verbum tuum ».
Dès cet instant, dès que l’humble Vierge Marie
prononça son « Fiat », « le Verbe s’est
incarné dans le sein de la Vierge Marie, par le Saint-Esprit,
et il s’est fait homme » comme le dit le saint Concile
de Constantinople. Voilà notre foi. C’est également
de cette manière que saint Jean l’Evangéliste
a expliqué ce profond mystère : « Au commencement
était le verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe
était Dieu », il termine par ceux-ci : « Et le
Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous ».
Voilà ce que nous devons aujourd’hui contempler : contempler
le mystère de l’Incarnation. C’est le troisième
article de notre « Credo » : « Qui a été
conçu du Saint Esprit et né de la Vierge Marie ».
Nous ne parlerons cette semaine que de la Conception du Christ. «Qui
a été conçu du Saint Esprit ».
Nous suivrons, comme de coutume, l’enseignement du Catéchisme
du Concile de Trente que nous compléterons par l’enseignement
de la Somme de Saint Thomas, le Catéchisme étant le
résumé – résumé parfait - de la
Somme.
Voici comment s’exprime le catéchisme sur le mystère
de la Conception. Vous trouvez cet enseignement à la page 42-46
de l’édition d’Itinéraires.
A- de la conception du Christ
: « Qui a été conçu du Saint Esprit ».
« Le pasteur aura soin d’enseigner
que si nous disons que le Fils de Dieu a été conçu
du Saint-Esprit, nous ne prétendons pas dire pour cela que
cette Personne de la Sainte Trinité ait seule opéré
le mystère de l’Incarnation. Il est vrai que le Fils
seul a pris la nature humaine, mais les trois Personnes divines, le
Père, le Fils et le Saint-Esprit ont eu part à ce Mystère.
C’est en effet une règle absolue de la Foi chrétienne
que dans les choses que Dieu fait hors de Lui, tout est commun aux
trois Personnes ; que l’une n’agit point sans l’autre.
La seule chose qui ne soit pas commune aux trois Personnes divines,
et qui ne puisse pas l’être, c’est le mode de procession.
En effet, le Fils n’est engendré que du Père,
tandis que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils.
Mais dans tout ce qu’elles produisent hors d’elles, les
trois Personnes agissent également et sans aucune différence.
Et ceci s’applique précisément au mystère
de l’Incarnation.
Il n’en est pas moins vrai que parmi les choses qui sont communes
aux trois Personnes, c’est un usage dans nos Saints Livres,
d’attribuer les unes à telle Personne, les autres à
telle autre, par exemple au Père la souveraine Puissance, au
Fils la Sagesse, et l’Amour au Saint-Esprit. Et comme le Mystère
de l’Incarnation est la preuve sans réplique de l’amour
immense et particulier que Dieu a pour nous, c’est pour cela
que nous l’attribuons spécialement au Saint–Esprit
».
Voilà un bel exposé de notre foi.
C’est l’enseignement même de Saint Thomas.
Saint Thomas expose ce donné de la foi : « Qu’il
a été conçu du Saint Esprit » dans la question
32 de la 3a Pars de la Somme.
A cette question, il y consacre quatre articles.
Ce sont les deux premiers articles qui, ici, nous intéressent.
L’article 1 est ainsi formulé : « Si d’être
le principe efficient de la conception du Christ doit être attribué
à l’Esprit-Saint ». L’article 2 « Si
le Christ doit être dit conçu du Saint-Esprit ».
Voyons l’enseignement de Saint Thomas dans son article 1. Nous
retrouverons l’enseignement du Catéchisme du Concile
de Trente.
Article 1 « Si d’être le principe efficient de la
conception du Christ doit être attribué à l’Esprit-Saint
».
Saint Thomas répond que « la conception du corps du Christ
a été l’œuvre de la Trinité tout entière
: mais cependant elle est attribuée spécialement à
l’Esprit-Saint pour une triple raison ». « Dicendum
quod conceptionem corporis Christi tota trinitas est operata : attribuitur
tamen hoc Spiritui Sancto, triplici ratione ».
« Tout d’abord, parce que cela convient à la cause
de l’Incarnation qui se considère du côté
de Dieu. L’Esprit-Saint, en effet, est l’Amour du Père
et du Fils. Or c’est du plus grand amour de Dieu qu’il
est provenu que le Fils de Dieu prît en Lui la chair dans le
sein virginal. C’est en effet ce que nous lisons dans Saint
Jean : « Dieu a tellement aimé le monde qu’Il a
donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse
pas mais ait la vie éternelle ».(Jn 3 16)
Secondement, cela convient à la cause de l’Incarnation,
du côté de la nature prise. Par là, en effet,
il est donné à entendre que la nature humaine a été
prise par le Fils de Dieu dans l’unité de Personne, non
en raison de certains mérites, mais par pure grâce ;
car la grâce est attribuée à l’Esprit-Saint,
selon cette parole de Saint Paul : « Il y a diversité
de grâces, mais l’Esprit est le même » (1
Cor 12 4)
Troisièmement, cela convient au terme de l’Incarnation.
L’Incarnation, en effet, s’est terminée à
cela que cet homme qui était conçu fût saint et
Fils de Dieu. Or l’une et l’autre de ces deux choses sont
attribuées à l’Esprit-Saint. C’est par Lui,
en effet, que les hommes sont faits enfants de Dieu, selon cette parole
de l’Epître aux Galates : « Parce que vous êtes
fils de Dieu, Dieu a mis l’Esprit de son Fils dans vos cœurs,
qui crie : Abba , Père » (Gal 4 6). De même donc
que les autres, par l’Esprit-Saint, sont sanctifié spirituellement
pour qu’ils soient les fils de Dieu adoptifs ; de même,
le Christ, par l’Esprit-Saint, a été conçu
dans la sainteté pour qu’Il fût le Fils de Dieu
par nature. Aussi bien, l’Ange lui-même, au jour de l’annonciation,
de ce qu’il avait déjà dit : « L’Esprit
Saint descendra en vous », conclut : « à cause
de cela, le fruit saint qui naîtra de vous sera appelé
le Fils de Dieu ».
Ainsi, pour Saint Thomas, si l’Incarnation est l’œuvre
de la Trinité toute entière, elle est attribuée
cependant d’une manière particulière au Saint
-Esprit et cela pour trois raisons essentielles :
Parce que l’Incarnation est l’œuvre d’amour
par excellence, et qu’en Dieu l’Amour est l’Esprit-Saint,
elle est attribuée plus particulièrement au Saint-Esprit.
Parce que l’Incarnation est une œuvre de grâce, elle
est attribué au Saint-Esprit pare que en Dieu, c’est
l’Esprit-Saint qui est l’auteur de la grâce.
Parce que l’Incarnation est une œuvre de sanctification,
elle est également attribuée à l’Esprit-Saint
puisque, en Dieu, c’est l’Esprit-Saint qui est le principe
de la sanctification.
Vous voyez que le catéchisme de Trente retient la première
raison de Saint Thomas.
«C’est en effet une règle absolue de la Foi chrétienne
que dans les choses que Dieu fait hors de Lui, tout est commun aux
trois Personnes ; que l’une n’agit point sans l’autre.
La seule chose qui ne soit pas commune aux trois Personnes divines,
et qui ne puisse pas l’être, c’est le mode de procession.
En effet, le Fils n’est engendré que du Père,
tandis que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils.
Mais dans tout ce qu’elles produisent hors d’elles, les
trois Personnes agissent également et sans aucune différence.
Et ceci s’applique précisément au mystère
de l’Incarnation.
Il n’en est pas moins vrai que parmi les choses qui sont communes
aux trois Personnes, c’est un usage dans nos Saints Livres,
d’attribuer les unes à telle Personne, les autres à
telle autre, par exemple au Père la souveraine Puissance, au
Fils la Sagesse, et l’Amour au Saint-Esprit. Et comme le Mystère
de l’Incarnation est la preuve sans réplique de l’amour
immense et particulier que Dieu a pour nous, c’est pour cela
que nous l’attribuons spécialement au Saint -Esprit».
B – de la conception du
Christ, en le sein de la Vierge Marie, sa Mère
Le catéchisme du Concile de Trente
continue ses réflexions sur le mystère de la conception
du Christ en le sein de la Vierge Marie, par ces paroles :
« Au reste, il convient de remarquer que dans ce mystère
certaines choses sont au-dessus de la nature, tandis que d’autres
lui sont entièrement conformes. Ainsi nous croyons que le corps
de Jésus-Christ a été formé du sang très
pur de la Vierge, sa mère. Et nous ne voyons en cela qu’une
œuvre purement naturelle, car c’est le propre de tout corps
humain d’être formé du sang de la mère.
Mais ce qui dépasse l’ordre naturel et même l’intelligence
de l’homme, c’est que la Bienheureuse Vierge n’eut
pas plus tôt donné son consentement aux paroles de l’Ange
en disant : « Voici la servante du Seigneur, qu’il me
soit fait selon votre parole », que sur le champs, le corps
très saint de Jésus-Christ fut formé en elle,
qu’une âme jouissant pleinement de la raison fut unie
à ce corps et que dans un seul et même instant Il fut
Dieu parfait et homme parfait. Or personne ne saurait douter que cet
effet si extraordinaire et si admirable ne soit l’œuvre
du Saint-Esprit. Car selon les lois ordinaires de la nature, l’âme
raisonnable ne vient s’unir au corps qu’après un
temps déterminé ». (p. 44)
Dans le premier paragraphe de cet excellent
passage, le Catéchisme du Concile de Trente parle du rôle
de Notre Dame dans la conception du Christ. Il écrit : «
nous croyons que le corps de Jésus-Christ a été
formé du sang très pur de la Vierge, sa mère
». Et c’est bien logique. Après avoir parlé
du rôle de la Trinité dans la Conception du Christ et
plus particulièrement du rôle du Saint-Esprit, il convient
de parler du rôle de notre Dame. Et là, dans cette conception,
nous dit le catéchisme, les choses se sont passées d’une
manière « conforme à la nature » : «
c’est la propre de tout corps humain d’être formé
du sang de la mère ». C’est pourquoi « nous
croyons que le corps de Jésus-Christ a été formé
du sang très pur de la Vierge, sa mère ».
C’est l’enseignement de saint Thomas.
II parle de cette question dans l’article
5 de la 31e question de la Somme : « Si la chair du Christ a
été conçue du très pur sang de la Vierge
? ».
Et il répond de la façon suivante : « Il commence
par rappeler que « comme il a été dit plus haut,
à l’article précédent, dans la conception
du Christ, il fut selon la condition de la nature qu’il est
né d’une femme ; mais au dessus de la condition de la
nature, qu’il est né d’une vierge. Or la condition
naturelle a ceci, que, dans la génération du vivant,
la femme fournit la matière, tandis que du côté
du mâle se trouve le principe actif de la génération
; comme le prouve Aristote, au livre de la « Génération
des animaux ». D’autre part, la femme qui conçoit
par l’action de l’homme n’est point vierge. Il suit
de là qu’il appartient au mode surnaturel de la génération
du Christ que le principe actif dans cette génération
aura été la vertu surnaturelle divine ; mais au mode
naturel de sa génération, il appartient que la matière
dont le corps du Christ a été conçu soit conforme
à la matière que les autres femmes fournissent dans
la génération de l’enfant. Cette matière,
selon Aristote, au livre de la « Génération des
animaux », est le sang de la femme, non pris d’une façon
quelconque, mais amené à une certaine perfection plus
achevée par la vertu génératrice de la mère,
de façon à être la matière apte pour le
fruit à concevoir. Par conséquent, c’est d’une
telle manière que le corps du Christ a été conçu
».
Et voilà pourquoi, il est juste de dire que la Vierge Marie
est vraiment la « mère » du Christ. Elle est «
sa » mère. Vraiment comme toute mère l’est
du fils qu’elle engendre.
C. De la sainte
humanité du Christ.
Dans la deuxième partie du paragraphe
analysé, le catéchisme du Concile de Trente parle de
la sainte humanité du Christ : « Mais ce qui dépasse
l’ordre naturel et même l’intelligence de l’homme,
c’est que la Bienheureuse Vierge n’eut pas plus tôt
donné son consentement aux paroles de l’Ange en disant
: « Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait
selon votre parole », que sur le champs, le corps très
saint de Jésus-Christ fut formé en elle, qu’une
âme jouissant pleinement de la raison fut unie à ce corps
et que dans un seul et même instant Il fut Dieu parfait et homme
parfait. Or personne ne saurait douter que cet effet si extraordinaire
et si admirable ne soit l’œuvre du Saint-Esprit. Car selon
les lois ordinaires de la nature, l’âme raisonnable ne
vient s’unir au corps qu’après un temps déterminé
». (NB. On sait aujourd’hui que l’animation du corps
est immédiate)
Saint Thomas parle de tout cela dans la magnifique question 34 de
la Somme. En quatre articles, il explique la foi de l’Eglise.
Il se demande tour à tour
« Si, dans le premier instant de la conception, le Christ a
été sanctifié par la grâce ?
« Si, dans le même instant, Il a eu l’usage du libre
arbitre
« Si, dans le même instant, Il a pu mériter ?
« Si, dans le même instant, Il a été pleinement
dans le terme de la vision béatifique » ?
Il est important de connaître ses réponses.
Article 1 : « Si, dans le premier instant de la conception,
le Christ a été sanctifié par la grâce
? »
Saint Thomas rappelle que « l’abondance de la grâce
qui sanctifie l’âme du Christ dérive de l’union
même du Verbe, selon cette parole de Saint Jean : « Nous
avons vu sa gloire comme celle du Fils unique venant du Père,
plein de grâce et de vérité » (Jn 1 14).
D’autre part, dès le premier instant de la conception,
le corps du Christ fut animé et pris par le Verbe de Dieu.
Il s’ensuit donc que dans le premier instant de la conception
le Christ eut la plénitude de la grâce sanctifiant son
âme et son corps ».
Ainsi le Christ a été sanctifié dès le
premier instant de son être. Il a eu dès ce premier instant,
dans sa nature humaine, toute la plénitude de grâce.
C’est là le privilège de la nature humaine en
raison de la Personne du Verbe qui se l’est unie hypostatiquement.
Mais pouvons-nous dire et devons-nous dire que, dès ce premier
instant, le Christ a eu aussi l’agir moral qui correspond à
cette plénitude de grâce : « A-t-il pu, dès
ce premier instant, jouir de l’usage du libre arbitre ? A-t-il
pu, dès ce premier instant, mériter d’un mérite
parfait ?
C’est ce que considère Saint Thomas dans les deux articles
suivants :
Article 2 : Si la Christ, en tant qu’homme, a eu l’usage
du libre arbitre dès le premier instant de sa conception ?
»
Saint Thomas déclare que « à la nature humaine
que prit le Christ convient la perfection, qu’Il n’a pas
atteinte progressivement mais qu’Il a eue tout de suite dès
le commencement. (cf art. précédent) Or la perfection
dernière ne consiste pas dans la puissance ou dans l’habitus,
mais dans l’opération ; et de là vient qu’au
livre 2 de l’ « Ame », il est dit que l’opération
est l’acte second. Il suit de là que nous devons dire
que le Christ, dès le premier instant de sa conception, a eu
cette opération de l’âme qui peut être instantanément.
Et, précisément, telle est l’opération
de la volonté et de l’intelligence dans laquelle consiste
l’usage du libre arbitre. C’est, en effet subitement et
en un instant que s’achève l’opération de
l’intelligence et de la volonté, beaucoup plus que la
vision corporelle ; par cette raison que l’acte d’entendre,
de vouloir, de sentir n’est pas un mouvement qui soit l’acte
d’un sujet imparfait, qui se parfait successivement, mais l’acte
d’un sujet déjà parfait, comme il est dit au livre
de l’ « Ame ». Et donc il faut dire que le Christ,
dans le premier instant de sa conception, a eu l’usage du libre
arbitre ».
Le Christ, revêtu de grâce
dès le premier instant de son être a eu, dès ce
premier instant, l’usage parfait du libre arbitre. A-t-il pu
mériter, dès ce premier instant ? Tel est l’objet
de l’article 3
Article 3 : « Si le Christ, dans le premier instant de sa conception
a pu mériter ? »
Saint Thomas répond que « le Christ, dans le premier
instant de sa conception, a été sanctifié par
la grâce (voir art. I). or il est une double sanctification
: l’une est celle des adultes qui sont sanctifiés par
leur acte propre », en ce sens que l’acte de leur libre
arbitre intervient dans leur justification ; « l’autre
est celle des enfants qui ne sont pas sanctifiés selon leur
acte propre de foi, mais selon la foi des parents ou de l’Eglise.
La première de ces deux sanctification est plus parfaite que
la seconde ; comme l’acte est plus parfait que l’habitus
; et ce qui est par soi, plus parfait que ce qui est par un autre.
Puis donc que la sanctification du Christ a été la plus
parfaite, car Il a été sanctifié de telle sorte
qu’Il fût la sanctification des autres, il s’ensuit
qu’Il aura été sanctifié selon le mouvement
propre de son libre arbitre vers Dieu. Et, parce que ce mouvement
du libre arbitre est méritoire, il s’ensuit que dans
le premier instant de sa conception la Christ a mérité
».
Un dernier point nous reste à considérer, au sujet de
la perfection de l’Enfant conçu. Il a trait à
la parfaite vision de la gloire qui est le propre des bienheureux.
Nous allons l’étudier à l’article qui suit.
Article 3 : « Si, le Christ eut la parfaite vision des bienheureux
dans le premier instant de sa conception ? »
Saint Thomas déclare que « comme on le voit par ce qui
é été dit à l’article 2, il ne convenait
pas que le Christ, dans sa conception, reçut la grâce
seulement habituelle sans ses actes. Et Il a reçu la grâce
non mesurée ou limitée (Jn 3 34) D’autre part,
la grâce de ceux qui sont dans la voie de la vie présente,
parce qu’elle est en deçà ou en défaut
par rapport à la grâce des bienheureux qui sont au terme,
a une mesure ou un degré moindre que celle des bienheureux.
Il est donc manifeste que le Christ, dans le premier instant de sa
conception, a reçu non pas seulement une grâce comme
celle que les bienheureux ont dans le ciel, mais encore plus grande
que celle de tous les bienheureux » anges ou hommes réunis.
« Et parce que cette grâce n’a pas été
sans acte » qui est celui du terme ou de la vision, «
il s’ensuit que le Christ a été dans l’acte
du terme, voyant Dieu par son essence plus clairement que les autres
chrétiens ».
Ainsi donc, la souveraine dignité de la nature humaine dans
la Personne du Verbe demandait que le Christ, en tant qu’homme,
dès le premier instant de son être et au moment même
de sa conception dans le sein de Marie, quand l’humble Vierge
prononça son sublime « fiat », eût toutes
les perfections dans l’ordre de la science infuse et divine
et dans l’ordre de la grâce et de la gloire du côté
de l’âme : de telle sorte que, dès ce premier instant,
l’Enfant, dans le sein de sa Mère, « voyait Dieu
par son essence, plus clairement que toutes les autres créatures
». C’est la une conclusion éblouissante de clarté
à la lumière de la grande raison théologique.
Et quelle splendeur ne projette-t-elle pas sur l’ineffable merveille
que fût dès le premier instant le fruit béni du
sein de la Très Sainte Vierge, sur le chef-d’œuvre
d’infinie perfection produit par Dieu en un instant, à
la parole de Marie : « fiat secundum tuum », « Qu’il
me soit fait selon votre parole »
Le catéchisme du Concile de Trente conclut le commentaire de
cet article 3 du Symbole de Nicée, -notre Credo – par
ces mots magnifiques : « De même que le corps de Jésus-Christ
fut formé, comme nous venons de le dire, du plus pur sang de
la plus pur des Vierges, et cela n on humainement, mais par la vertu
du Saint-Esprit ; de même aussi son âme, dès le
premier instant de sa conception, reçut la plénitude
de l’Esprit de Dieu, avec l’abondance de tous ses dons.
Car selon le témoignage de Saint Jean «Dieu ne Lui donna
pas son esprit avec mesure » (Jn 3 34), comme Il fait pour les
autres hommes qu’Il veut bien enrichir et sanctifier par sa
grâce, mais Il versa dans son âme une telle abondance
de grâces qu’il nous est possible à tous de recevoir
de sa plénitude » (Jn 116)
Telles sont les explications que nous avons cru devoir donner sur
l’admirable Mystère de la conception du Fils de Dieu.
Et si les fidèles veulent en retirer des fruits salutaires,
ils doivent se rappeler souvent et méditer dans leur cœur,
ces vérités si importantes : que Celui qui a pris notre
chair est Dieu, qu’Il s’est fait homme d’une manière
si surnaturelle que notre esprit ne peut comprendre ce mystère
et encore moins l’expliquer ; qu’enfin Il a voulu se faire
homme, pour nous faire redevenir enfants de Dieu. Et après
avoir bien réfléchi, et avec attention sur les mystères
renfermés dans cet article, qu’ils s’appliquent
à les croire et à les adorer d’un cœur humble
et soumis, sans chercher à les scruter e à les pénétrer.
». (p. 45)
2- les méditations du Mercredi à
Rome de Benoît XVI : sur Ps 112
________________________________________
Voici le texte intégral de la catéchèse
de Benoît XVI traduit de l’ italien, sur le Psaume 122,
lors de l’audience générale du mercredi matin,
15 juin 2005, place Saint-Pierre.
a- Lecture: Ps 122, 1-4
« J’élève mes yeux vers toi, O toi qui sièges
dans les cieux !
Comme l’œil du serviteur est fixé sur la main de
son Maître, et l’œil de la servante sur la main de
sa Maîtresse, ainsi nos yeux sont fixés sur Yahweh, notre
Dieu, jusqu’à ce qu’Il est pitié de nous.
Aie pitié, Yahweh, aie pitié de nous car nous n’avons
été que trop rassasiés d’opprobres.
Notre âme n’ a été que trop rassasiée
de la moquerie des superbes, du mépris des orgueilleux. »
b- Commentaire
1.Chers frères et sœurs,
Dans l'Evangile, Jésus affirme
de façon très incisive que l'œil est un symbole
expressif du moi profond, il est un reflet de l'âme (cf. Mt
6, 22-23). A ce propos, le Psaume 122, qui vient d'être proclamé,
est entièrement contenu dans un échange de regards:
le fidèle lève les yeux vers le Seigneur et attend une
réaction divine, pour y saisir un geste d'amour, un regard
de bienveillance. Nous aussi, nous levons les yeux et attendons un
geste de bienveillance du Seigneur.
Dans le Psautier, il n'est pas rare que
l'on parle du regard du Très-Haut qui « des cieux se
penche vers les fils d'Adam pour voir s'il en est un de sensé,
un qui cherche Dieu » (Ps 13, 2). Le Psalmiste, comme nous l'avons
entendu, a recours à une image, celle du serviteur et de l'esclave
qui sont tournés vers leur maître dans l'attente d'une
décision libératrice.
Même si la scène est liée
au monde antique et à ses structures sociales, l'idée
est claire et significative: cette image reprise du monde de l'Orient
antique désire exalter l'adhésion du pauvre, l'espérance
de l'opprimé et la disponibilité du juste à l'égard
du Seigneur.
2. L'orant est dans l'attente que les
mains divines bougent, car celles-ci agiront selon la justice, détruisant
le mal. C'est pourquoi dans le Psautier, l'orant lève souvent
son regard plein d'espérance vers le Seigneur: « Mes
yeux sont fixés sur le Seigneur, car il tire mes pieds du filet
» (Ps 24, 15), alors que « mes yeux sont consumés
d'attendre mon Dieu » (Ps 68, 4).
Le Psaume 122 est une supplication dans
laquelle la voix d'un fidèle s'unit à celle de la communauté
tout entière: en effet, le Psaume passe de la première
personne du singulier – « j'ai les yeux levés »
– à celle du pluriel – « nos yeux »
et « qu'il nous prenne en pitié » (cf. vv. 1-3).
On exprime l'espérance que les mains du Seigneur s'ouvrent
pour dispenser des dons de justice et de liberté. Le juste
attend que le regard de Dieu se révèle dans toute sa
tendresse et sa bonté, comme on le lit dans l'antique bénédiction
sacerdotale du Livre des Nombres: « Que le Seigneur fasse pour
toi rayonner son visage et te fasse grâce! Que le Seigneur te
découvre sa face et t'apporte la paix » (Nb 6, 25-26).
3. L'importance du regard plein d'amour
de Dieu est révélée dans la deuxième partie
du Psaume, caractérisée par l'invocation: « Pitié
pour nous, Seigneur, pitié pour nous » (Ps 122, 3). Celle-ci
se place en continuité avec le final de la première
partie, où l'on réaffirme l'attente confiante «
tant qu'il [le Seigneur] nous prenne en pitié » (v. 2).
Les fidèles ont besoin d'une intervention
de Dieu car ils se trouvent dans une situation pénible de mépris
et de moqueries de la part de personnes orgueilleuses. L'image que
le Psalmiste utilise à présent est celle de la satiété:
« trop de mépris nous rassasie; notre âme est par
trop rassasiée des sarcasmes des satisfaits! Du mépris
des orgueilleux » (vv. 3-4).
A la traditionnelle satiété
biblique de nourriture et d'années, considérée
comme un signe de la bénédiction divine, s'oppose à
présent une intolérable satiété constituée
par un poids d'humiliations exorbitant. Et nous savons qu'aujourd'hui,
de nombreuses nations, de nombreuses personnes sont réellement
accablées par les humiliations, trop lasses des humiliations
des satisfaits, du mépris des orgueilleux. Prions pour elles
et aidons nos frères humiliés.
C'est pourquoi les justes ont confié
leur cause au Seigneur et celui-ci ne reste pas indifférent
devant ces yeux implorants, il n'ignore pas leur invocation ni la
nôtre, il ne déçoit pas leur espérance.
4. Pour finir, laissons place à
la voix de saint Ambroise, le grand Archevêque de Milan, qui,
dans l'esprit du Psalmiste, décrit de manière poétique
l'œuvre de Dieu qui nous atteint en Jésus Sauveur: «
Le Christ est tout pour nous. Si tu veux soigner une blessure, il
est le médecin; si tu brûles de fièvre, il est
une fontaine; si tu es opprimé par l'injustice, il est justice;
si tu as besoin d'aide, il est force; si tu crains la mort, il est
la vie; si tu désires le ciel, il est la voie; si tu fuis les
ténèbres, il est la lumière; si tu cherches la
nourriture, il est un aliment » (Sur la virginité, 99:
SAEMO, XIV/2, Milan-Rome 1989, p. 81).
[Texte original : italien – traduction
réalisée par ZENIT]